Spermatozoïdes sains, enfants en santé
Un pionnier de la recherche de l’Université McGill étudie les effets des toxines environnementales sur les gamètes mâles
11 février 2020
On s’attend à ce que la population mondiale atteigne 10 milliards d’ici 2057. La planète peut-elle soutenir la vie humaine à une telle échelle? C’est une question qui occupe les scientifiques depuis longtemps.
Dans un rapport marquant de 1972, Halte à la croissance?, on estimait qu’au cours du prochain siècle, la croissance économique et démographique dépasserait la capacité de la planète à soutenir la vie humaine, ce qui aurait des effets catastrophiques.
Ce rapport, à l’origine du mouvement « croissance zéro », a amené le Dr Bernard Robaire, alors étudiant de premier cycle à UCLA (Université de la Californie à Los Angeles), à étudier la reproduction chez l’homme dans l’espoir de découvrir un contraceptif masculin.
Il est ensuite allé à l’Université McGill pour entreprendre ses études doctorales, mais à cette époque, il n’existait aucun programme de recherche sur la reproduction chez l’homme au Canada. Cela n’a pas découragé le Dr Robaire, qui est retourné aux États-Unis dans le cadre d’une bourse postdoctorale à l’Université Johns Hopkins.
Après son stage postdoctoral, le Dr Robaire est revenu à McGill pour effectuer des recherches inédites sur la mise au point de contraceptifs masculins, et sur les effets des toxines environnementales sur les gamètes mâles.
En cours de recherche, le Dr Robaire, en collaboration avec son collègue le Dr Hales, est devenu chef de file du domaine de la toxicité pour le développement médiée par l’homme. Ce domaine est axé sur l’étude de la qualité du sperme et des problèmes de santé pouvant être transmis du père à l’enfant par des mutations de l’ADN ou des modifications épigénétiques.
Ces changements peuvent résulter de l’exposition à des produits toxiques ou du processus de vieillissement normal, au cours duquel l’ADN et les protéines présentes dans les chromosomes se modifient avec le temps. Par exemple, les médicaments anticancéreux ont des effets toxiques, et le Dr Robaire a démontré que l’exposition à ces médicaments influe sur l’expression génique à des étapes clés de la spermatogenèse.
On a avancé l’hypothèse que ce mode d’expression altéré agit négativement sur l’embryon et contribue à des problèmes de santé chez l’enfant. Il s’agit d’une découverte importante quand on songe au nombre d’hommes qui survivent au cancer et qui désirent avoir des enfants par la suite.
Les phtalates et les ignifugeants bromés sont d’autres produits chimiques intensément étudiés par le Dr Robaire.
Les phtalates, qui servent à assouplir le plastique, sont omniprésents dans les produits ménagers et d’autres produits de consommation. Les gens s’exposent aux phtalates en consommant des aliments conservés dans un contenant fabriqué avec ce produit chimique, ou en respirant des particules qui en contiennent.
L’exposition aux phtalates est associée à un faible taux de testostérone, à une faible numération des spermatozoïdes et à des anomalies du système reproducteur – une affection appelée « syndrome des phtalates ».
En partenariat avec ses collègues du Département de génie chimique de McGill, le Dr Robaire s’efforce de trouver des solutions de rechange moins toxiques aux phtalates. L’équipe étudie actuellement deux substituts qui ne montrent aucun effet toxique.
Les ignifugeants bromés sont ajoutés à de nombreux produits ménagers et industriels pour les rendre moins inflammables ou pour prévenir la propagation d’un incendie. L’exposition à ces produits agit sur la formation des os, le bilan thyroïdien et les ovules humains aux tout premiers stades de la grossesse.
C’est pourquoi des organismes de règlementation au Canada et ailleurs dans le monde ont décidé de restreindre l’utilisation des ignifugeants pour empêcher les humains d’y être trop exposés. On s’attend à ce que les recherches du Dr Robaire contribuent à guider les décisions de Santé Canada et d’Environnement Canada, les deux ministères responsables de la règlementation des produits toxiques.
Les hommes continuent à produire du sperme tout au long de leur vie. Cependant, à mesure qu’ils vieillissent, la qualité de leur semence peut diminuer en raison de l’exposition à des toxines environnementales et à cause des mutations de l’ADN des spermatozoïdes, processus normal et graduel. Selon certaines données, l’âge élevé du père pose un risque accru d’autisme, de trouble déficitaire de l’attention et d’autres états chez l’enfant, mais d’autres recherches sont nécessaires dans le domaine.
Pour combler ce manque, le Dr Robaire étudie le lien entre l’âge du père, la qualité du sperme, la fertilité et la santé de l’enfant. Une meilleure compréhension de ce lien aidera les hommes à décider s’ils veulent vivre l’expérience de la paternité, surtout lorsqu’ils atteignent un certain âge.
Se consacrant maintenant à la santé de la reproduction chez l’homme et à son impact sur la santé des enfants, le Dr Robaire peut sembler bien loin de son travail initial axé sur la contraception et la régulation démographique. Cependant, à mesure que la population mondiale continue de grandir, le Dr Robaire peut se consoler en sachant que ses travaux pourront aider les hommes à produire des spermatozoïdes sains, et à avoir des enfants en santé.
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