COVID-19
La dépression chez les femmes enceintes et les travailleurs de la santé durant la pandémie de COVID‑19
15 mai 2020
Durant la pandémie de COVID-19, un des champs de recherche en expansion est l’impact de la pandémie durant la grossesse et la période postnatale. Un projet de recherche rapide sur le nouveau coronavirus financé par les IRSC, Assessing and addressing the psychosocial impacts of COVID-19 among pregnant women and health care providers in Anhui, China, examinera en profondeur les répercussions de la pandémie sur la santé mentale des nouvelles mères et de leurs professionnels de la santé.
La Dre Shelby Yamamoto, chercheuse principale, est une épidémiologue ayant un intérêt particulier pour l’exploration des facteurs environnementaux qui influent sur les populations vulnérables. Les recherches de la Dre Yamamoto, menées à l’École de santé publique de l’Université de l’Alberta, sont principalement axées sur les impacts de la pollution de l’air et du changement climatique. Durant la présente crise de santé publique, l’équipe de la Dre Yamamoto évaluera les effets potentiels de la pandémie sur la dépression chez les femmes enceintes. Les autres chercheurs principaux du projet, le Dr Keith Dobson, de l’Université de Calgary, et la Dre Shahirose Premji, directrice de l’École de sciences infirmières de l’Université York, mettent aussi à contribution leur expertise particulière, décrite ci‑dessous.
Cette étude tirera parti des travaux et de l’infrastructure de recherche de l’équipe en Chine, afin de contribuer à l’orientation des politiques de santé publique au Canada et ailleurs dans le monde (en anglais seulement). L’équipe prévoit d’abord évaluer le risque de dépression parmi les femmes enceintes recrutées pour l’étude, puis vérifier les effets d’une thérapie cognitive du comportement (TCC) sur la dépression dans cette population. Les chercheurs comptent ensuite examiner les impacts possibles sur les issues indésirables des grossesses (naissance prématurée, faible poids à la naissance) chez les participantes, et mesurer l’anxiété ressentie par les travailleurs de la santé affectés aux soins périnataux durant et après la pandémie de COVID‑19.
Les Drs Yamamoto, Dobson et Premji ont généreusement répondu à nos questions sur cette étude et les travaux dont elle tire parti, ainsi que sur les progrès de l’étude et l’expertise que chacun met à son service.
Q : Quels sont les travaux et l’infrastructure de recherche sur lesquels s’appuiera ce projet?
R : Le projet financé par les IRSC sur lequel s’appuiera cette nouvelle étude a été planifié en 2017 et a officiellement débuté en 2018. Ce projet de cinq ans vise à mettre en œuvre et à évaluer un programme de dépistage et de gestion de la dépression périnatale (DGDP) dans quatre villes de la province d’Anhui en Chine. Le programme a d’abord été introduit et mis en œuvre à Ma’anshan en 2018. Après avoir visité leur fournisseur de soins de santé de première ligne, les femmes enceintes ont subi une évaluation (dépistage de base). Dans le cadre de cette évaluation, on leur a demandé de répondre aux 10 questions de l’Échelle de dépression postnatale d’Édimbourg (EDPE), l’outil le plus fréquemment utilisé pour le dépistage de la dépression périnatale. Pour les besoins de l’étude, on a fixé à 12 le score révélateur d’une dépression modérée à sévère. Les femmes qui ont obtenu un score égal ou supérieur à 9 sur l’EDPE ont reçu un outil de TCC (Mom’s Good Mood [MGM] – inspiré du programme Penser sain de l’OMS) par WeChat et une appli. Le programme consiste en une série de 11 modules que les utilisatrices peuvent compléter à leur propre rythme. Les femmes ayant obtenu un score de 12-13 ont également reçu du counseling individuel, et celles qui ont obtenu un score égal ou supérieur à 14 ou qui ont exprimé des idées suicidaires ont aussi été recommandées à des services psychiatriques. Toutes les femmes ont été soumises à un second dépistage par la collecte de données à six moments précis (trois avant la naissance [y compris des données de base] et trois après l’accouchement). Jusqu’à présent, nous avons desservi 2 397 femmes.
En nous basant sur ce travail, nous prévoyons surveiller l’évolution des scores affichés par les femmes enceintes sur l’EDPE avec le temps, soit avant, durant et après la pandémie de COVID-19. Nous ferons aussi une analyse qualitative du contenu d’entrevues et de groupes de discussion avec des femmes enceintes, des travailleurs de la santé et d’autres intervenants afin d’explorer les changements associés à la mise en œuvre du programme de DGDP durant cette période. Pour faciliter les efforts de lutte et d’intervention contre la COVID-19, nous veillerons à ce que les résultats de notre étude soient largement diffusés.
Q : À quel stade votre étude est-elle maintenant rendue et quelles sont les prochaines étapes?
R : Nous travaillons actuellement au recrutement et au suivi de femmes et de travailleurs de la santé dans le cadre de l’étude sur la COVID-19. Nous espérons poursuivre notre collecte de données longitudinales afin de cerner non seulement l’évolution de la dépression et de l’anxiété avec le temps, mais aussi l’impact du programme MGM et du soutien psychosocial durant la même période. En parallèle, nous prévoyons aussi recueillir de l’information sur l’utilisation et la disponibilité des services périnataux. Les prochaines étapes incluent la collecte d’information sur l’issue des grossesses (c.‑à‑d. naissance à terme/prématurée, faible poids à la naissance) auprès de femmes qui étaient enceintes durant la pandémie. Nous désirons explorer le lien possible entre la dépression et les issues indésirables des grossesses.
Q : L’expertise mise au service du projet par chacun de vous diffère grandement. Pouvez-vous décrire votre contribution particulière et en expliquer la pertinence par rapport aux objectifs de l’étude?
Dre Shelby Yamamoto (en anglais seulement) – J’apporte une perspective épidémiologique à cette recherche. Je fais partie du projet parent, axé sur l’analyse longitudinale des données de la cohorte. Je suis grandement intéressée par les études sur la santé des populations vulnérables. Certains de mes travaux antérieurs étaient axés sur la santé mentale périnatale. Je m’intéresse aussi aux impacts de la salubrité de l’environnement en général sur la santé publique. Je suis impatiente d’analyser nos données recueillies auprès de travailleurs de la santé et de femmes enceintes et postpartum pour mesurer l’impact de notre intervention et de publier nos conclusions.
Dr Keith Dobson (en anglais seulement) – Ma contribution est axée sur les aspects psychologiques du projet, y compris la mesure de la dépression et d’autres constructions mentales. J’ai aussi participé à la préparation des entrevues qui seront menées, et je collaborerai sans doute à l’analyse des données et à la rédaction des rapports.
Pour le projet parent, je suis un des concepteurs du programme Mom's Good Mood que nous utilisons pour traiter la dépression périnatale. Ce programme repose sur la thérapie cognitive du comportement, un de mes domaines d’expertise. J’ai participé activement à la formation initiale en Chine pour le programme, dont nous évaluons actuellement l’efficacité, l’acceptabilité et la mise en œuvre.
Dre Shahirose Premji (en anglais seulement) – Pour le projet parent, je suis chercheuse principale désignée pour le Canada et la professeure Tao est chercheuse principale désignée pour la Chine. Mon programme de recherche est axé sur la santé mentale périnatale (anxiété, dépression et stress) et les facteurs menant aux naissances prématurées, et vise en particulier à mieux comprendre le contexte féminin (environnement, culture, biologie) pour guider la conception d’interventions psychosociales. Je mets au service du projet mon expertise en soins de première ligne et en soins aux mères et aux nouveau-nés au niveau mondial.
Pour d’autres discussions sur les impacts de la COVID‑19 sur la santé mentale, écoutez le balado du 2020 Network avec le Dr Dobson comme invité (en anglais seulement), où il fournit aussi des conseils pratiques pour composer avec le stress et l’anxiété durant cette période d’incertitude.
Twitter : @UAlbertaSPH @PremjiShahirose @YorkUHealth @ucalgary @UCalgaryMed
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