COVID-19
Rétablissement et récurrence : comprendre le risque de réinfection à la COVID-19
Depuis le début de 2020, les scientifiques du monde entier travaillent sans relâche pour en apprendre le plus possible sur le SRAS-CoV-2 (le virus à l'origine de la pandémie de COVID-19). D'énormes progrès ont été réalisés, mais l'immunité post-infection demeure en grande partie un mystère.
« Acquiert-on une protection après avoir contracté l'infection? C'est l'une de nos plus grandes questions en ce moment, déclare la Dre Caroline Quach-Thanh, microbiologiste médicale et pédiatre au Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine (CHUSJ) et nouvelle titulaire de la Chaire de recherche du Canada en prévention et contrôle des infections. Dans le cas d'autres coronavirus, nous savons que les gens peuvent être réinfectés après trois à six mois, généralement avec des symptômes moins graves, mais ils continuent à "éliminer" des particules virales, ce qui signifie qu'ils peuvent encore transmettre le virus à d'autres personnes. Est-ce le cas avec le SRAS-CoV-2? Cela reste à voir. »
Étant donné la nature pressante de la question et l'attention mondiale portée à la pandémie, la Dre Quach-Thanh s'attendait à voir les études et les données scientifiques se multiplier; or, peu de données ont été recueillies au cours du printemps et de l'été.
« Parfois, il faut obtenir la réponse soi-même », dit-elle. Elle a donc pris la tête d'une équipe établie à Montréal qui étudie le risque de réinfection. « D'autres pays lanceront peut-être des études dans les mois à venir, mais nos systèmes de soins de santé sont différents, et les résultats pour les patients ainsi que la gravité de la maladie pourraient différer. Il est donc justifié de mener une étude au Canada. »
L'équipe de la Dre Quach-Thanh mènera son étude auprès de travailleurs de la santé qui ont déjà reçu un diagnostic de COVID-19 et se sont rétablis. Elle se concentrera sur la région de Montréal, l'une des régions les plus durement touchées au Canada, et recrutera 735 personnes en milieu hospitalier et dans les établissements de soins de longue durée, y compris des membres du personnel d'entretien et de sécurité. Ces volontaires subiront des analyses de sang tous les trois mois qui permettront à l'équipe de mesurer leur taux d'anticorps et leur réponse immunitaire cellulaire (la ligne de défense de l'organisme contre les agents pathogènes qui utilise des cellules spécialisées au lieu d'anticorps) et de noter tout changement au cours d'une année. Les volontaires répondront aussi à des sondages toutes les deux semaines afin de consigner tout symptôme de maladie. Les personnes qui présentent des symptômes devront se soumettre à un autre test de dépistage de la COVID-19. L'équipe se penchera sur les cas positifs pour déterminer s'il existe des différences entre la nouvelle infection et l'infection initiale par le SRAS-CoV-2 (par exemple, s'il s'agit d'une autre souche du virus).
Le recrutement des participants à l'étude a commencé en août, mais il est difficile de prévoir quand l'équipe aura accumulé suffisamment de données pour en savoir plus sur le risque de réinfection. « L'échéancier dépend de la prochaine vague, précise la Dre Quach-Thanh. La plupart de nos volontaires ont contracté leur infection initiale il y a trois à cinq mois et pourraient donc avoir acquis une protection — ou, s'il se produit la même chose que pour les autres coronavirus humains, c'est peut-être à ce moment que nous commencerons à voir la protection faiblir. »
Les volontaires porteront leur équipement de protection individuelle (EPI) habituel au travail et suivront tous les protocoles de sécurité, mais risquent d'être exposés au virus si le nombre de cas et d'hospitalisations est élevé. Toutefois, si le taux d'infection dans la région de Montréal peut être maîtrisé, le nombre de cas sera plus faible, ce qui entraînerait un risque de réexposition et de réinfection plus faible pour les travailleurs de la santé — un scénario qui serait bien accueilli par la Dre Quach-Thanh.
« Le suivi de la dynamique de la réponse immunitaire pourrait donner un résultat intéressant en soi, que les volontaires se révèlent présenter un risque de réinfection ou non », précise-t-elle, ajoutant qu'elle fait partie du Groupe de travail sur l'immunité face à la COVID-19, une collaboration financée par le gouvernement fédéral et composée d'experts qui ont pour objectif de mieux comprendre et de cartographier l'étendue des infections par des coronavirus au Canada. « Le groupe de travail facilite la diffusion des données. Notre étude permettra donc de mieux comprendre l'immunologie du SRAS-CoV-2, quoi qu'il arrive. »
En plus de cet échange de connaissances au sein du groupe de travail, l'équipe de la Dre Quach-Thanh est bien placée pour communiquer de l'information aux autorités de santé publique et aux responsables des politiques fédéraux et provinciaux. L'équipe rédigera des notes d'information pour présenter de nouvelles idées et données dans un format facile à assimiler. L'étude pourrait donc appuyer les réponses et les orientations de la santé publique, tant en matière de sécurité des travailleurs que de planification de la prise en charge à long terme de la pandémie.
De plus, selon la Dre Quach-Thanh, les réponses obtenues grâce à cette étude pourraient changer le comportement des gens. « Si les gens pensent qu'ils devraient faire exprès de contracter l'infection ou faire fi des mesures de précaution parce qu'ils se disent qu'ils seront immunisés s'ils se rétablissent, les données scientifiques produites par notre étude pourraient les inciter à repenser cette stratégie, affirme-t-elle. Si les gens peuvent être réinfectés après seulement quelques mois, ces personnes prendraient alors des risques inutiles. »
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