COVID-19
COVID-19 et démence : une nouvelle étude pour améliorer les soins aux aînés au Canada
La pandémie de COVID-19 nous a forcés à changer nos habitudes et à nous adapter à de nouvelles façons de faire, que ce soit pour faire des courses, socialiser sans danger ou travailler. Cette situation, pour le moins stressante et déstabilisante, s'avère particulièrement difficile pour les aînés atteints de démence.
« Les personnes atteintes de démence ont été particulièrement éprouvées par la pandémie, met en garde la Dre Isabelle Vedel, médecin en santé publique et professeure au Département de médecine de famille de l'Université McGill. Non seulement elles risquent davantage de développer des complications ou de décéder si elles contractent la COVID-19, mais elles sont aussi plus vulnérables aux conséquences qui dépassent le risque d'infection. Par exemple, la perte soudaine de contacts sociaux ou de stimulation [imposée par l'éloignement physique et l'interruption des services et programmes] peut accroître l'isolement, l'anxiété et la dépression, et miner la santé. Chez les soignants, il y a aussi le stress de devoir prodiguer des soins à domicile sans aide ou de ne pas pouvoir visiter leur proche en soins de longue durée. La situation est très difficile. »
À la Société Alzheimer du Canada, on constate aussi le stress énorme et les effets néfastes qui découlent de la pandémie. « Chaque jour, nous recevons des appels déchirants de clients qui sont au bout du rouleau, qui ne sont pas en établissement et qui ont perdu toute forme de soutien, qui n'ont plus de répit. Certains ont de la difficulté à joindre leur médecin ou refusent de recevoir de l'aide chez eux par peur de contracter la COVID-19 ou, pire encore, de voir leur proche atteint de démence la contracter », explique la Dre Saskia Sivananthan, chef de la direction scientifique, du transfert et de l'échange des connaissances de la Société Alzheimer du Canada. « Nous craignons aussi que les personnes atteintes de démence évitent d'aller à l'urgence, reportent une opération ou ignorent leurs symptômes parce qu'elles ont peur d'accéder au système de santé durant la pandémie. Il nous manque toutefois des données pour déterminer si c'est le cas et quelles sont les conséquences. »
La Dre Vedel mène actuellement une étude pour combler ces lacunes. Elle souhaite mesurer et décrire les expériences vécues par les personnes atteintes de démence et leurs soignants pendant la pandémie, y compris les résidents en milieu communautaire ou en soins de longue durée. Son équipe se servira de ces données pour proposer des stratégies et des recommandations fondées sur des données probantes aux responsables des politiques, aux gestionnaires des systèmes de santé, aux cliniciens et aux organismes communautaires. Le projet vise à réduire les répercussions des effets imprévus des mesures de santé publique et à aider les personnes atteintes de démence à rester en santé et en sécurité tout au long de la pandémie.
La collecte des données représente une tâche colossale, mais la Dre Vedel a réussi à mettre le projet en branle rapidement en s'associant au groupe de travail sur les troubles neurocognitifs et la COVID-19 de la Société Alzheimer du Canada et à d'autres chercheurs membres du Consortium canadien en neurodégénérescence et vieillissement (CCNV). Son projet de recherche comporte plusieurs volets. Pour mesurer les effets de la pandémie sur le recours aux services de santé et aux services sociaux, et déterminer le taux de mortalité chez les personnes atteintes de démence, l'équipe fera l'analyse de données provinciales sur les hospitalisations, les visites chez le médecin et les services à domicile. Une fois cette information obtenue – un processus qui pourrait prendre de trois semaines à cinq mois selon la province et les protocoles d'accès aux données –, l'équipe mènera des entrevues auprès de personnes atteintes de démence et de soignants pour savoir comment ils s'en sortent avec la pandémie.
« Nous voulons en savoir plus sur leurs expériences et leurs conditions de vie, poursuit la Dre Vedel. Est‑ce que leurs besoins sont comblés? Certains ont la possibilité d'obtenir des consultations médicales virtuelles, mais ces rendez-vous sont parfois difficiles pour les personnes atteintes de troubles cognitifs. Est-ce que ça suffit? La façon d'accéder aux soins a-t-elle changé? En centre de soins de longue durée, où jusqu'à 80 % des résidents sont atteints d'une forme quelconque de trouble cognitif, nous pouvons calculer le taux d'infection. Mais comment s'en sortent les résidents? Avec les données provinciales, nous aurons des chiffres, mais les entrevues nous donneront accès à la réalité du quotidien. »
Pour la Dre Sivananthan et la Société Alzheimer du Canada, la valorisation des expériences vécues va de soi. « Il ne faut jamais entreprendre une initiative importante sans consulter des personnes atteintes de démences et des soignants, explique-t-elle. Leur participation concrète et significative en début de projet est essentielle à la prise de décisions sur l'orientation et les retombées du travail à accomplir. Les chercheurs, les responsables des politiques et les décideurs savent comment recueillir et interpréter des données probantes, mais c'est un peu comme regarder les choses en noir et blanc. La consultation de personnes ayant une expérience concrète permet de contextualiser l'information, de faire ressortir les différentes nuances. »
Grâce au soutien de la Dre Sivananthan et de la Société Alzheimer du Canada, l'équipe de la Dre Vedel collabore avec des personnes atteintes de démence et des soignants, afin de formuler ses questions d'entrevue et de discuter des résultats. L'équipe souhaite également tenir des consultations avec des intervenants du domaine politique et des soins de santé au début de 2021. Elle se donne pour objectif de présenter ses recommandations et stratégies politiques officielles au printemps. Entre-temps, l'équipe publiera des mises à jour importantes sous forme de bulletins, de publications sur les médias sociaux et de webinaires pour contribuer à l'amélioration tout au long du projet.
« Nous pouvons faire mieux, assure la Dre Vedel. Et nous devons le faire. »
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