Le Canada redouble d’efforts dans la recherche sur le diabète
À l’occasion du 100e anniversaire de la découverte de l’insuline, les IRSC rendent hommage aux chercheurs et chercheuses du Canada qui font avancer la recherche sur le diabète et mettent au point des traitements et des moyens de prévention toujours plus efficaces.
En 1921, les docteurs Frederick Banting, Charles Best, John Macleod et James Collip découvraient l’insuline et démontraient pour la toute première fois son efficacité dans le cadre d’un traitement salvateur du diabète de type 1 à l’Université de Toronto. Deux ans plus tard, cette percée qui changea la vie de millions de personnes au pays et dans le monde valait à Banting et à Macleod le prix Nobel de physiologie ou médecine.
En 1991, pour commémorer les 70 ans de cette avancée capitale dans le traitement du diabète, la Fédération internationale du diabète (FID) et l’Organisation mondiale de la santé désignent le 14 novembre, jour de naissance du Dr Banting, comme Journée mondiale du diabète et organisent dès lors annuellement une campagne de sensibilisation à la prévalence accrue de la maladie au Canada et sur le reste de la planète.
Aujourd’hui encore, le Canada fait figure de chef de file dans la recherche sur le diabète, comme en témoignent les importantes avancées des scientifiques du pays dans les domaines de la génétique, de l’immunologie, de la biologie moléculaire et de la transplantation d’îlots pancréatiques, qui se sont traduites par l’adoption d’approches prometteuses dans le traitement de la maladie et de ses complications. Les chercheurs et chercheuses du Canada se distinguent également par leur connaissance approfondie de l’incidence de notre mode de vie, ce qui leur a permis de mettre au point des programmes de prévention qui ont fait leurs preuves et incluent une alimentation équilibrée, l’activité physique et l’adoption d’habitudes de vie saines.
La qualité des travaux de recherche canadiens sur le diabète continue elle aussi de faire l’unanimité au sein de la communauté scientifique. En 2021, le Dr Daniel Drucker de l’Institut de recherche Lunenfeld-Tanenbaum de l’Hôpital Mount Sinai de Toronto s’est ainsi vu remettre le Prix international Canada Gairdner, la plus haute distinction internationale décernée au pays pour l’excellence dans le domaine des sciences biomédicales. Ce prix vient récompenser sa découverte, avec des collègues des États-Unis et du Danemark, de peptides de type glucagon et des travaux entrepris par la suite pour expliquer comment ces molécules interagissent avec l’insuline pour stabiliser la glycémie. Ces mêmes travaux sont à l’origine de nouveaux traitements du diabète de type 2, de l’obésité et de troubles intestinaux.
Sous la direction de leur Institut de la nutrition, du métabolisme et du diabète (INMD), les IRSC appuient les travaux de recherche innovants consacrés à la question du diabète. En 2019, l’Institut a lancé L’insuline a 100 ans : accélérer les découvertes canadiennes pour lutter contre le diabète, une initiative d’importance qui assure le financement de nouveaux travaux de recherche canadiens dans le but de promouvoir les projets de collaboration et de favoriser l’émergence de méthodes novatrices de prévention et de traitement du diabète et de ses complications.
« Je suis admiratif de l’envergure et du niveau d’expertise des équipes de recherche que nous soutenons en cette année de commémoration du 100e anniversaire de la découverte de l’insuline au Canada », a déclaré le Dr Norman Rosenblum, directeur scientifique de l’INMD des IRSC. « La pandémie de COVID-19 a mis en évidence à quel point le diabète bouleverse la vie de nos concitoyens. Nous espérons que ces travaux de recherche donneront naissance à des démarches de prévention audacieuses de tous les types de diabète et permettront de concevoir des traitements efficaces qui réduiront les risques de complication. Notre désir le plus cher est qu’à l’occasion du 200e anniversaire de la découverte de l’insuline, le diabète soit une maladie reléguée aux livres d’histoire! »
Pour souligner l’importance de la Journée mondiale du diabète, les IRSC ont invité plusieurs scientifiques de renommée mondiale du pays et une patiente partenaire à commenter les avancées récentes et à s’exprimer sur celles qui promettent un bel avenir aux personnes diabétiques.
Le Dr Drucker anticipe des changements positifs dans la vie des patients à brève échéance :
« Les avancées scientifiques que nous devrions observer dans les dix prochaines années incitent à l’optimisme. Grâce à l’ingénierie biomédicale, des pancréas artificiels abordables munis d’un système en boucle fermée seront en effet capables de surveiller le niveau de glycémie en toute autonomie. Les travaux en cours dans les domaines de l’immunologie et de l’étude des cellules souches permettront quant à eux de faire bénéficier les personnes vivant avec un diabète de type 1 de traitements à base de cellules souches. Enfin, la médecine de précision rendra possible l’offre de traitements individualisés. »
L’équipe de recherche du Dr Drucker réfléchit également à des stratégies susceptibles d’induire une rémission du diabète de type 2 au moyen de régimes alimentaires, de médicaments amaigrissants et de chirurgie bariatrique.
Les cellules bêta du pancréas, qui produisent et stockent des millions de molécules d’insuline avant de les sécréter de façon régulée afin d’équilibrer le taux de glucose dans le sang, sont à l’origine de la quasi-totalité des formes de diabète, dont la plupart des formes monogéniques, pourtant rares. Des études ont ainsi démontré que le diabète de type 1 est induit par un dysfonctionnement du système immunitaire causant la destruction progressive de ces cellules bêta. Le diabète de type 2 survient pour sa part à la suite d’une inhibition lente, mais constante de la sécrétion d’insuline par les cellules bêta, généralement causée par une glycémie élevée, l’accumulation de lipides dans le sang et l’inflammation en conséquence d’un surpoids et de la résistance de l’organisme à l’insuline. Le Dr Bruce Verchere, de l’Hôpital pour enfants de la Colombie-Britannique et de l’Université de la Colombie-Britannique, mène des études consacrées à ces cellules bêta dans le but d’en comprendre le développement et d’expliquer leur rôle dans la survenue du diabète. Il espère ainsi mettre au point des traitements permettant d’enrayer leur destruction, d’assurer et d’améliorer leur fonctionnement, mais aussi de les régénérer ou de les remplacer.
« Les connaissances que nous acquérons sur la naissance des cellules bêta se traduisent par des avancées concrètes dans la production de cellules sécrétrices d’insuline au moyen de cellules souches. Ces cellules font même d’ores et déjà l’objet d’essais cliniques de transplantation chez des personnes présentant un diabète de type 1. » Si les travaux du Dr Verchere sont déjà en très bonne voie, des avancées encore plus significatives sont à prévoir : « Il nous reste certes encore beaucoup à apprendre de ces complexes cellules endocrines si essentielles à la régulation de la glycémie et d’autres processus métaboliques, mais les études que nous menons sur elles pourraient bien être la clé de la solution. Si nos espoirs se concrétisent, des traitements de rétablissement de la production d’insuline chez les personnes diabétiques pourront voir le jour. »
Les scientifiques s’intéressent également au système immunitaire des personnes diabétiques et plus particulièrement aux mécanismes en jeu dans les inflammations chroniques et les complications graves (comme les maladies cardiovasculaires) auxquelles elles sont exposées. C’est notamment le cas de la Dre Minna Woo, du Réseau universitaire de santé et de l’Université de Toronto. S’appuyant sur son expertise dans les domaines de l’immunologie et de l’endocrinologie, elle étudie l’activité des cytokines, des protéines de faible masse moléculaire qui transmettent des messages au système immunitaire en vue d’orienter sa réponse et qui ont le potentiel de freiner la progression du diabète.
« Les inflammations chroniques sont notoirement associées au diabète, mais également aux nombreuses complications et maladies qui en résultent », confie celle qui est également titulaire d’une chaire de recherche du Canada en transduction des signaux dans la pathogenèse du diabète. « Nous avons même créé un nouveau terme, l’immunométabolisme, pour qualifier les travaux de recherche qui portent sur l’entrecroisement du système immunitaire et du métabolisme. Ce champ de recherche absolument fascinant pourrait jeter les bases de traitements qui cibleront les voies métaboliques et atténueront les inflammations chroniques chez les personnes diabétiques. »
Les origines du diabète, dont les premiers signes sont soupçonnés d’apparaître chez le fœtus, sont aussi à l’étude. Un enfant dont la mère est atteinte de diabète de type 2 pourrait ainsi présenter un risque accru de développer la maladie au cours de sa vie en raison d’une exposition pendant la grossesse. Les travaux de la Dre Brandy Wicklow, de l’Institut de recherche de l’Hôpital pour enfants du Manitoba et de l’Université du Manitoba, portent justement sur les facteurs de risque de développement d’un diabète de type 2 chez les enfants, qui diffèrent de ceux qui pèsent sur les adultes.
« Nous savons aujourd’hui que le diabète de type 2 affecte davantage les enfants exposés à la maladie au stade fœtal et que le diagnostic est établi de plus en plus tôt. Nous ignorons toutefois encore la nature des transformations biologiques et développementales qui augmentent le risque d’apparition de la maladie. » Si les facteurs génétiques sont au cœur de ses travaux, la Dre Brandy Wicklow ne néglige pas pour autant les conséquences sociales de la maladie. « Nous analysons également le contexte de vie des adolescents qui vivent avec un diabète de type 2, en particulier les circonstances susceptibles de favoriser ou d’entraver l’autogestion. Ces données sont essentielles dans la lutte contre les discriminations et les préjugés émis à leur encontre. »
L’alimentation et le mode de vie jouent un rôle prépondérant dans l’émergence du diabète de type 2, mais quels facteurs y contribuent le plus? Les habitudes de travail? Le rythme scolaire? La fréquence des activités récréatives? La qualité de notre sommeil? Ces questions intéressent les scientifiques, dont le Dr André Carpentier de l’Université de Sherbrooke, qui étudie le rôle que la concentration de lipides et de bactéries dans l’intestin joue dans la prévention du diabète de type 2, en particulier lorsque les sujets à risques observent des horaires de sommeil stricts et pratiquent une activité physique.
« Nos travaux actuels portent sur l’incidence des horaires des repas et de l’activité physique sur les changements métaboliques qui pourraient favoriser l’apparition du diabète. Nous espérons ainsi combler certaines lacunes dans nos connaissances de la maladie et voir émerger des approches qui s’appuieront sur ces concepts et seront adoptées par le système de santé et, à terme, par la société. Nous sommes vraiment convaincus que leur mise en œuvre contribuera à ralentir la progression de la maladie et de ses complications. »
Des facteurs génétiques peuvent eux aussi être à l’origine du diabète et sont aujourd’hui pris en compte dans l’élaboration de traitements individualisés, comme ceux que propose à ses patients la Dre Marie Pierre Dubé de l’Université de Montréal. Dans le cadre de ses recherches, elle réfléchit aux bénéfices que pourraient tirer les personnes diabétiques des traitements actuels si leur code génétique était analysé différemment.
« La plupart des laboratoires concentrent leurs recherches sur de nouveaux médicaments personnalisés dans le but de traiter le diabète et d’empêcher d’éventuelles complications, mais ils pourraient aussi les orienter vers des traitements individualisés et mettre rapidement au point des médicaments fondés sur les risques génétiques des personnes prédisposées à contracter la maladie », affirme la Dre Dubé. C’est d’ailleurs sur cette voie que l’entraînent ses recherches : « Le génome que nous transmettent nos parents à la naissance favorise l’émergence de multiples variants génétiques sous forme de protéines dont l’expression peut ouvrir la voie à l’apparition du diabète. Les avancées technologiques récentes, comme les puces à ADN, nous permettent déjà d’analyser en peu de temps le génome des patients et de détecter la présence de variants génétiques à des coûts relativement bas. Nous espérons être bientôt en mesure d’exploiter les renseignements tirés des génomes étudiés pour créer les traitements qui conviendront le mieux à chaque patient. »
Les connaissances toujours plus approfondies sur les prédispositions génétiques qui agissent sur la survenue du diabète s’accompagnent d’avancées tout aussi importantes à l’échelle moléculaire. Le Dr Peter Thompson, de l’Université du Manitoba, étudie les phénomènes et mécanismes moléculaires à l’origine de différentes formes de diabète.
« Il est fort probable que nous découvrions à l’avenir des processus encore sous-évalués qui nous permettront de modifier la cible de certains médicaments ou de réorienter les traitements actuels », répond-il à notre question sur le futur de la biologie du diabète. « Il nous faudra toutefois également comprendre la nature des variations que nous observons d’une personne à l’autre dans le fonctionnement des mécanismes moléculaires. Ces connaissances s’avèreront clé dans l’élaboration de traitements individualisés avec un rapport bénéfice/risque optimal. »
L’objectif ultime de tous les chercheurs et chercheuses du Canada est toujours d’aider au mieux les patients, que leurs travaux portent sur l’acquisition de nouvelles connaissances ou sur l’élaboration de nouveaux traitements et moyens de prévention. Aujourd’hui, les patients sont bien plus que des bénéficiaires de soins de santé et contribuent à parts égales au succès des travaux de recherche auxquels ils participent et à la gestion de leur santé. C’est en tout cas le sentiment exprimé par Lucie Vaillancourt, dont le diabète de type 2 a été diagnostiqué en 2009. L’ancienne infirmière de 73 ans de Québec espère que l’évaluation des risques, la promotion et la concrétisation du travail en collaboration entre chercheurs et patients se traduiront un jour par des avancées tangibles dans la lutte contre toutes les formes de la maladie.
« À titre de patiente partenaire, je ne peux que me réjouir de contribuer aux travaux de recherche en cours sur le diabète », confie Mme Vaillancourt, qui participe aux travaux de Diavie et Action diabète Canada ainsi qu’au Consortium Pays-Bas–Canada de recherche sur le diabète de type 2, soutenu par les IRSC. « Il faut que les gens sachent que la période qui précède l’apparition du diabète est cruciale. Grâce aux réseaux sociaux, à la télévision et à la radio, il est aujourd’hui possible de sensibiliser toute la population à la prévention de la maladie en l’incitant à adopter des habitudes alimentaires saines et à pratiquer une activité physique. »
En 1921, le monde entier saluait la détermination des docteurs Banting, Best, Macleod et Collip à sauver les vies des personnes diabétiques. Un siècle plus tard, les chercheurs et chercheuses du Canada font preuve d’un engagement à la mesure des attentes de leurs illustres prédécesseurs. La multiplication des projets de collaboration, auxquels sont aujourd’hui associés des patients partenaires comme Mme Vaillancourt, nourrit les espoirs de la planète et laisse entrevoir un horizon où le diabète ne sera plus qu’un lointain souvenir.
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