Égayer la vie et améliorer la santé des enfants durant la pandémie
La Dre Marie-Claude Geoffroy, de l’Université McGill, et le Dr David Nicholas, de l’Université de Calgary, se penchent sur le bien-être mental des enfants, des adolescents et des familles au Canada
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La pandémie de COVID-19 est éprouvante pour les enfants. Ils ne peuvent pas faire tout ce qui les rend normalement heureux, comme pratiquer des sports organisés, inviter des amis à jouer ou à dormir chez eux, ou rendre visite à leurs grands-parents. Ils ont plutôt dû s’ajuster à l’enseignement virtuel ou à des cours en personne avec un nombre restreint d’élèves. Dans de nombreux cas, les visites virtuelles, les médias sociaux ou les jeux en ligne ont constitué leurs principaux modes de contact social.
Les restrictions et les mesures de santé publique ont sérieusement ébranlé la santé mentale des enfants et des adolescents. Pire encore, les enfants atteints de problèmes de santé chroniques courent un plus grand risque d’être gravement malades à cause de la COVID-19 et ont sans doute subi une interruption de leurs soins habituels à cause des restrictions liées à la pandémie.
La bonne nouvelle, c’est qu’au Canada, les enfants de 5 à 11 ans ont maintenant accès au vaccin contre la COVID-19. Grâce à la vaccination, ils seront protégés contre le virus, ce qui est susceptible d’apaiser leurs craintes et celles de leurs parents. Il s’agit certes d’une bonne nouvelle, mais peu de recherches ont tenté de comprendre l’impact mental et émotionnel de la pandémie sur les enfants.
Heureusement, grâce à l’appui financier des IRSC, des chercheurs de partout au pays examineront les effets stressants et traumatiques de la COVID-19 sur les enfants, les adolescents et les familles. Les résultats de ces travaux aideront peut-être à ramener la joie dans la vie de nombreux enfants et à faire en sorte qu’ils obtiennent les soins nécessaires à leur maintien en santé.
Exploiter le pouvoir guérisseur de la nature
Titulaire de la Chaire de recherche du Canada en santé mentale et prévention du suicide chez les jeunes, la Dre Marie-Claude Geoffroy se servira de son programme École à Ciel Ouvert pour tenter de favoriser la santé mentale des enfants défavorisés du Québec qui ont été touchés par la COVID-19.
« Depuis le début de la pandémie, je considère École à Ciel Ouvert comme une intervention pédagogique dans la nature qui pourrait bien se prêter à une collaboration avec l’Observatoire pour l’éducation et la santé des enfants, autre grande initiative qui se penche sur les effets de la COVID-19 chez les enfants au Québec », indique la Dre Geoffroy, qui est également chercheuse au Centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale Douglas et professeure adjointe au Département de psychopédagogie et de psychologie du counseling et à celui de psychiatrie de l’Université McGill. « Grâce au soutien de l’Observatoire, je peux examiner comment les confinements prolongés ont engendré des vulnérabilités chez les enfants en raison d’un manque de socialisation et, parfois, d’un sentiment d’abandon. »
La Dre Geoffroy et son équipe multidisciplinaire espèrent recruter 2 000 élèves de 6e année pour École à Ciel Ouvert afin d’évaluer si l’apprentissage dans la nature peut aider à atténuer l’incidence de la pandémie sur la santé mentale des enfants. Au début de 2022, l’équipe effectuera le recrutement dans 133 écoles affiliées à l’Observatoire.
Le programme durera 12 semaines, pendant lesquelles les cours auront lieu dans des parcs et des espaces verts deux heures par semaine. Ainsi, le changement sur le plan pédagogique ne paraîtra pas trop radical pour les élèves et leurs enseignants. Ces cours mettront l’accent sur la collaboration, la compassion et la pleine conscience.
« Nous encouragerons les enseignants à réaliser des activités pédagogiques en plein air qui peuvent faire appel aux mathématiques, aux sciences ou au français, explique la Dre Geoffroy. Par exemple, les élèves peuvent apprendre à compter avec des pierres ou mesurer la circonférence d’un arbre. En suivant cette méthode salutogène de l’apprentissage dans la nature, les élèves pourraient aussi regarder attentivement une feuille et remarquer ses petites lignes. »
Contrairement à l’approche pathogène, qui est axée sur la cause des maladies, cette méthode d’apprentissage salutogène vise à favoriser et à maintenir le bien-être physique et mental des enfants en se concentrant sur des moyens d’atténuer les conséquences néfastes de la pandémie.
Afin de mesurer l’efficacité du programme École à Ciel Ouvert, l’équipe de la Dre Geoffroy réalisera un essai contrôlé randomisé qui évaluera la santé mentale des élèves avant et après l’intervention.
Puis, une fois les données recueillies, les résultats de la recherche seront publiés dans un langage accessible sur un site Web externe. La Dre Geoffroy songe aussi à créer un documentaire qui sensibilise les enseignants du monde entier à l’importance d’accorder une place à la nature dans les leçons.
« La communication des résultats de recherche au grand public me tient à cœur, affirme-t-elle. En outre, notre collaboration avec des réseaux comme Pour Nos Enfants et Mères au front, et le recours aux médias sociaux pourraient nous aider à réaliser notre objectif : neutraliser les effets néfastes et durables de la pandémie sur la santé mentale des enfants, des adolescents et des familles. »
Prendre soin des enfants atteints d’une maladie chronique
Le Dr David Nicholas a lui aussi obtenu des fonds des IRSC pour étudier les effets stressants et traumatiques de la pandémie sur les enfants, les adolescents et les familles. Professeur et doyen associé à la recherche et aux partenariats de la Faculté de travail social de l’Université de Calgary, il examinera l’incidence des services de santé offerts pendant la pandémie sur les enfants aux prises avec une gamme de problèmes de santé et provenant de divers horizons ethniques, culturels, sociaux et économiques.
« En contexte de pandémie, comment devrions-nous déterminer ce qui constitue des soins essentiels lorsqu’un équilibre difficile doit être établi entre la santé publique et les soins axés sur le patient et la famille? se demande le Dr Nicholas. Il faut mettre en place des processus décisionnels afin que la pandémie actuelle et celles à venir soient moins éprouvantes pour les enfants atteints de maladies et de déficiences développementales, comme des problèmes cardiaques, l’asthme, la drépanocytose et l’autisme. »
Durant une pandémie, la santé publique et les soins aux patients pourraient être améliorés par l’élaboration d’un plan d’atténuation des problèmes éventuels liés au soutien clinique des enfants.
« Le plan pourrait être créé par un groupe d’intervenants disposant de renseignements clairs sur les mesures à prendre afin d’optimiser les soins pendant une pandémie, explique le Dr Nicholas. Ce groupe serait constitué de personnes qui sont en mesure de répondre aux diverses préoccupations des enfants et de leur famille en matière de santé ainsi que de représentants du milieu de la santé publique. »
En outre, le travail de planification devra tenir compte des conséquences à court et à long terme pour la santé mentale de même que des changements aux services de santé.
Selon le Dr Nicholas, pour éclairer la prise de décisions éthiques et bien soutenir les patients et leur famille, il faut aussi tenir compte dans le plan du stress psychologique vécu par la population en général et des difficultés rencontrées par les professionnels de la santé qui se sont efforcés de continuer d’offrir des services à tous durant la pandémie de COVID-19.
Pendant l’étude, le Dr Nicholas et son équipe recueilleront des données sur les effets de la pandémie sur la santé mentale des participants (enfants, adolescents et familles) au moyen d’entrevues réalisées dans des centres de santé de l’Ontario, de l’Alberta et de la Colombie-Britannique.
« Notre recherche vise à traduire rapidement l’information en directives pratiques pouvant être utilisées par le public au Canada et à l’étranger, souligne le Dr Nicholas. Après avoir entendu le témoignage des enfants, des adolescents et des familles, nous communiquerons nos constatations aux professionnels de la santé, aux dirigeants d’hôpitaux, aux responsables des politiques et aux familles, afin que l’on puisse élaborer des plans d’intervention qui changeront la donne. »
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