Au-delà d’un traitement universel de l’asthme
Un article spécial à l’occasion du Mois du poumon
La recherche sur les causes, la prévention et la prise en charge des maladies pulmonaires et du système respiratoire, y compris la réadaptation connexe, forme l’un des principaux mandats de l’Institut. Le mois de novembre est l’occasion de réévaluer nos stratégies pour améliorer la santé pulmonaire, en particulier chez les personnes atteintes d’une maladie pulmonaire et d’autres affections respiratoires. Cette année, à l’occasion du Mois du poumon, je me suis entretenu virtuellement avec la Dre Neeloffer Mookherjee, dont la recherche est financée par les IRSC, pour discuter de ses travaux.
La Dre Mookherjee est professeure aux départements de médecine interne et d’immunologie de l’Université du Manitoba, et titulaire de la Chaire en science du sexe et du genre en santé circulatoire et respiratoire des IRSC. Ses recherches sur l’asthme visent à mieux comprendre les processus moléculaires de l’inflammation chronique et le traitement des infections pulmonaires.
Voici quelques extraits de notre conversation.
Quel message souhaiteriez-vous adresser aux Canadiens et Canadiennes à l’occasion du Mois du poumon?
J’inciterais chacun à être conscient de la complexité de la biologie. Nous maîtrisons de petites pièces du casse-tête et nous en apprenons chaque jour davantage. Il n’y a cependant pas de solutions simples à des problèmes aussi épineux.
En quoi cela s’applique-t-il à vos recherches sur l’asthme?
L’inflammation pulmonaire associée à l’asthme est un processus complexe qui affecte chaque personne différemment selon la qualité de l’air qu’elle respire et selon son sexe.
Par exemple, nos recherches ont montré que l’augmentation des particules dans l’air occasionnée par les feux de forêt avait un impact direct sur les réponses immunitaires des personnes asthmatiques dont les poumons sont endommagés.
Nos recherches portent également sur la manière dont les réponses aux allergènes et à la pollution atmosphérique diffèrent entre les hommes et les femmes. Cela est important, dans la mesure où nous comprenons maintenant que le système immunitaire est structuré différemment chez les hommes et chez les femmes. Nos recherches nous permettront de prédire l’évolution de la maladie et la réponse au traitement en fonction du sexe, sachant qu’une approche universelle ne convient pas vraiment aux maladies inflammatoires chroniques.
Vous explorez les réponses inflammatoires au niveau moléculaire. Pouvez-vous nous en dire plus?
Mon groupe de recherche tente de comprendre comment les expositions environnementales telles que les allergènes courants ou la pollution atmosphérique modifient les protéines et les processus pathologiques dans les poumons. En examinant comment des panels de protéines changent dans le sang et les poumons en réponse aux allergènes environnementaux et à la pollution, nous espérons être en mesure de prédire la progression de la maladie, sa gravité et la réponse au traitement.
En outre, notre laboratoire étudie une famille de molécules connues sous le nom de peptides de défense de l’hôte. Ces molécules étaient à l’origine connues sous le nom de peptides antimicrobiens, et par le passé, de nombreux chercheurs se sont concentrés sur leur activité antimicrobienne. Au fil du temps, mon laboratoire et d’autres chercheurs ont montré que ces molécules jouent un rôle complexe dans la réponse immunitaire. En particulier, nous avons découvert qu’elles régulent l’inflammation dans les poumons. Il s’agit d’une famille de molécules fascinante à mes yeux, car les peptides ont une double fonction : d’une part, ils maîtrisent l’inflammation, d’autre part, ils traitent les infections.
Quel est l’objectif de vos recherches?
L’objectif global est de comprendre la fonction de ces peptides et de tirer parti de ces connaissances pour concevoir un traitement qui puisse maîtriser l’inflammation pulmonaire, comme dans le cas de l’asthme, sans compromettre la capacité des patients à se libérer des infections.
Cela est intéressant, car vous disposez d’une plateforme susceptible de s’appliquer à diverses maladies. L’intestin avec ses maladies inflammatoires, les articulations avec la polyarthrite rhumatoïde, les poumons avec l’asthme, pour ne citer que quelques exemples.
Nos recherches sur ces peptides de défense de l’hôte pourraient nous amener à élaborer de nouvelles stratégies d’intervention pour nombre de ces maladies. Ce qui m’enthousiasme, c’est que nos dernières découvertes montrent que ces peptides pourraient être bénéfiques aux patients gravement asthmatiques et à ceux qui ne répondent pas aux traitements actuels, comme les stéroïdes. Ces percées pourraient s’avérer bénéfiques pour les gens au pays, mais aussi du monde entier.
Vous êtes titulaire de la Chaire en science du sexe et du genre en santé circulatoire et respiratoire des IRSC. Dans quelle mesure a-t-elle eu une incidence sur votre carrière?
Il s’agit d’un immense honneur. La chaire a considérablement élargi la portée de mon programme de recherche. Nous savons que le sexe est une variable agissant sur notre système immunitaire, mais pendant de nombreuses années, cet aspect a été largement négligé dans la recherche biomédicale et la conception de médicaments.
Le financement de cette chaire m’a permis d’intégrer les composantes fondamentales de l’analyse comparative entre les sexes et les genres dans tous mes projets de recherche, y compris dans les projets et programmes de mes collaborateurs, tant à l’échelle nationale qu’internationale. L’un des principaux volets du mandat de cette chaire est le renforcement des capacités. J’ai pu promouvoir l’importance de l’analyse comparative entre les sexes et les genres dans la recherche biomédicale auprès de notre milieu scientifique élargi.
L’an prochain, je tiendrai une nouvelle conférence pour promouvoir le recours à l’analyse comparative entre les sexes et les genres au sein du milieu scientifique.
Comment votre propre identité de genre influence-t-elle votre perspective et votre approche de la recherche?
Je suis une immigrante. J’ai quitté l’Inde pour venir au Canada afin de poursuivre mes études supérieures. Au cours de ma formation ici, j’ai eu la chance de compter sur plusieurs mentors formidables, exclusivement masculins. Mon expérience m’a fait prendre conscience du manque de modèles et de leaders féminins, en particulier de femmes qui me ressemblent, dans le domaine des sciences biomédicales. Cela m’a amenée à parrainer la mise en place d’une initiative pour les femmes dans les sciences, appelée WISDOM, au sein de mon université. Cette initiative m’a permis d’apporter une contribution précieuse à la recherche, à la formation, au mentorat et à l’atténuation de certains des obstacles auxquels se heurtent les femmes dans le domaine des sciences.
C’est phénoménal. Nous comptons désormais de nombreuses femmes dans des postes de direction clinique et universitaire, ce qui témoigne d’une véritable évolution. Il subsiste une disparité entre les professeurs agrégés et titulaires masculins et féminins, en dépit de tous les progrès accomplis. Nous continuons à constater que les femmes qualifiées ne soumettent pas nécessairement leur candidature pour un prix ou une bourse.
C’est pourquoi j’estime que nous devons mettre en place des systèmes de soutien, dans les sphères dirigeantes, pour encourager les femmes scientifiques à progresser dans leur carrière.
Quels sont les obstacles ou les embûches auxquels vous vous heurtez en tant que chercheuse en milieu de carrière?
J’ai rencontré de nombreux obstacles en début de carrière, et j’en connais encore aujourd’hui. J’essaie de ne pas me laisser décourager par les échecs. Je me suis servi de la discrimination pour alimenter ma conviction de faire mieux dans ma carrière. Le fait de compter sur un soutien familial est un atout. Maintenant que j’en suis en milieu de carrière, l’un de mes plus grands défis est d’être sollicitée pour mon temps et mon aide de toutes parts. J’essaie de bien gérer mon temps et d’établir des priorités dans mes obligations. Mais surtout, je tiens à entretenir ma curiosité, car c’est ce qui motive mon amour de la science et de la recherche.
Quel est, selon vous, l’aspect le plus gratifiant de votre travail?
Le mentorat! J’ai la possibilité d’encadrer des étudiants à différents stades de leur carrière et de leur enseigner. L’éducation et la connaissance transforment les vies et les esprits.
C’est fantastique
Merci, Dre Mookherjee, pour cette discussion fascinante, pour votre temps et votre engagement envers la science. J’aimerais vous souhaiter, à vous et à votre équipe, le meilleur des succès dans vos recherches. Enfin, à vous tous et toutes, je vous invite à réfléchir à la façon dont nous pouvons collaborer pour améliorer la santé et le bien-être pendant le Mois du poumon.
Sincères salutations,
Dr Brian H. Rowe
Directeur scientifique, Institut de la santé circulatoire et respiratoire des IRSC
Professeur, Département de médecine d’urgence et École de santé publique
Collège des sciences de la santé, Université de l’Alberta
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