Une nouvelle frontière dans la recherche sur le diabète de type 2 et son lien avec les maladies cardiaques
Des chercheurs de l’Institut de cardiologie de Montréal sont à la recherche de nouveaux traitements pour réduire le risque d’apparition de maladies cardiovasculaires avant qu’elles ne surviennent, et leurs premiers travaux ont déjà donné des résultats prometteurs
En bref
L’enjeu
Au Canada, les maladies cardiaques sont la deuxième cause de décès, après le cancer. Certains groupes sont exposés à un risque disproportionné en raison d’autres problèmes de santé comme le diabète.
La recherche
L’essai COLCOT-1 a démontré que la colchicine, un médicament anti-inflammatoire sécuritaire et peu coûteux, réduisait les événements cardiovasculaires futurs. La nouvelle étude COLCOT-T2D vise à déterminer si la colchicine peut également prévenir les maladies cardiaques avant qu’elles ne surviennent et réduire le risque de crise cardiaque et d’accident vasculaire cérébral chez les patients atteints de diabète de type 2.
Les retombées
COLCOT-1 a conduit à l’approbation de la colchicine pour la prévention des maladies cardiaques au Canada et a orienté les directives médicales en Europe et en Amérique du Sud.
Lectures connexes
- Étude : réduire les taux de crises cardiaques et d’AVC grâce à l’analyse de données et à la participation des patients
- La biométrie mobile pour augmenter l’activité physique chez les personnes atteintes de diabète de type 2
- Rémission du diabète et amélioration de la fonction diastolique par la combinaison d’un exercice structuré avec des substituts de repas et la réintroduction de nourriture (RESET)
Et si vous pouviez réduire votre risque d’avoir une crise cardiaque avant d’en avoir une, surtout si vous savez que vous courez un risque élevé? Au Canada, les maladies cardiaques sont la deuxième cause de décès, après le cancer, et certains groupes sont exposés à un risque disproportionné en raison d’autres problèmes de santé. C’est sur cette nouvelle facette de la médecine préventive que travaille le Dr Jean-Claude Tardif de l’Institut de cardiologie de Montréal. Il utilise un médicament éprouvé, la colchicine, pour tenter de contrer les problèmes cardiaques avant qu’ils ne surviennent. Le Dr Tardif est le chercheur principal de deux études connexes mais distinctes : COLCOT-1 et COLCOT-T2D.
Découverte d’un traitement sécuritaire et peu coûteux permettant de réduire les crises cardiaques
L’étude COLCOT-1 portait sur des patients ayant récemment souffert d’une crise cardiaque et a montré que la colchicine réduisait de manière significative les événements cardiovasculaires futurs. Le Dr Tardif et son équipe ont démontré que le traitement avec la colchicine peut réduire de 23 % le risque d’un premier événement cardiovasculaire. Ses résultats ont été publiés dans le New England Journal of Medicine. En fait, l’étude a été si fructueuse que les données ont été utilisées pour soutenir l’approbation par Santé Canada de la colchicine à faible dose (MYINFLA™) pour les patients cardiaques. Les résultats de l’étude COLCOT-1 ont également éclairé les directives médicales en Europe et en Amérique du Sud.
« Les maladies cardiovasculaires restent de loin la première cause de mortalité dans le monde, et ce malgré les bons médicaments dont nous disposons, y compris ceux qui réduisent le cholestérol », explique le Dr Tardif. « Au cours des 20 dernières années, une multitude d’articles ont montré que l’inflammation joue un rôle dans le déclenchement et la progression de l’athérosclérose. qui entraîne des crises cardiaques et des accidents vasculaires cérébraux. »
« Si l’inflammation est une des causes principales de l’athérosclérose, peut-on envisager de réduire l’inflammation? Cela apporterait-il des bénéfices aux patients? »
Pourquoi la colchicine? La colchicine est un anti-inflammatoire connu, couramment utilisé pour traiter la goutte et la péricardite, mais le Dr Tardif pense qu’elle peut réduire l’inflammation liée à l’accumulation de la plaque, ou athérosclérose. Comparativement à d’autres anti-inflammatoires, la colchicine est bien connue et a fait ses preuves – elle est utilisée depuis des siècles, comme l’explique le Dr Tardif. Elle est également sécuritaire et peu coûteuse (en anglais seulement), puisqu’elle coûte moins de 0,50 $ par jour.
« Il y a des impacts très tangibles, et cela montre la valeur de la recherche que les IRSC financent », dit le Dr Tardif. « Nous voulons découvrir de nouveaux traitements qui peuvent aider à réduire les accidents vasculaires cérébraux, les crises cardiaques, les hospitalisations pour angine de poitrine. et la nécessité de pratiquer une angioplastie ou un pontage. »
L’essai COLCOT-T2D est « la prochaine étape » dans l’étude de la colchicine
Le nouvel essai pancanadien fait suite aux études antérieures du Dr Tardif sur la colchicine, mais en se concentrant cette fois sur la prévention primaire. Ainsi, le Dr Tardif étudie la possibilité de prévenir les problèmes cardiaques avant la première crise cardiaque. Il espère également que la colchicine se révèle efficace pour réduire le risque de crise cardiaque et d’accident vasculaire cérébral chez les personnes atteintes de diabète de type 2.
« Malheureusement, les personnes atteintes de diabète présentent un risque plus élevé de complications cardiovasculaires, même si elles ne sont pas connues pour avoir des problèmes cardiaques », explique le Dr Tardif. « Il y a trois millions de personnes au Canada qui souffrent de diabète, alors pourquoi ne pas essayer de leur offrir une protection avant qu’elles ne subissent leur premier événement [cardiovasculaire]? »
Conception d’un essai clinique accessible et convivial pour le patient
Le Dr Tardif a bon espoir que l’étude sera efficace. Toutefois, Sylvain Bédard, coordonnateur des patients du Centre d’excellence sur le partenariat avec les patients et le public, sait concrètement ce que les patients attendent de cette étude et comment les faire participer.
M. Bédard a déjà participé à de nombreux essais cliniques, mais aucun n’était aussi convivial pour les patients que l’essai COLCOT-T2D. La participation des patients partenaires dès le début a déjà un impact sur l’accessibilité de l’étude.
« Je vous mets au défi de comprendre un formulaire de consentement de 21 pages qui a été rédigé par des avocats et des médecins », dit M. Bédard. « Je n’ai jamais compris ce que disaient tous les formulaires de consentement des essais cliniques. Si nous les rendons compréhensibles, je pense que le patient se sentirait plus impliqué dans le processus parce qu’il les aurait vraiment compris. »
L’élaboration d’un formulaire de consentement que le participant comprend réellement entraîne une meilleure rétention, ce qui facilite grandement la conduite des études pour les cliniciens. Selon M. Bédard, cela permet également aux participants de sentir qu’ils retirent quelque chose de l’étude.
« Je dirais que cela humanise les essais cliniques : au fond, ce ne sont pas seulement des données, ce sont des participants. Si nous tendons la main et écoutons les participants, nous ferons peut-être les essais cliniques différemment. »
L’essai est également rendu plus accessible grâce à sa plateforme virtuelle ou décentralisée, ce qui est nouveau, selon M. Bédard. Recruter des personnes qui n’ont pas d’antécédents cardiaques pour participer à l’essai soulève des défis intéressants, car l’équipe ne peut pas recruter dans le service de cardiologie de l’hôpital. Elle a donc créé un essai virtuel qui a été annoncé par l’intermédiaire de Diabète Québec, Diabète Canada, les médecins de famille, les spécialistes et le site Web de l’essai.
« Tous ces 10 000 patients n’auront pas à se présenter une seule fois à l’hôpital pour les recherches », explique le Dr Tardif. « Toutes les visites se feront par vidéoconférence. Nous envoyons les kits pour les tests sanguins à la maison. Nous obtenons l’ADN pendant que le patient est chez lui, nous livrons les médicaments de l’étude à leur domicile. »
En incluant les patients dans l’organisation de l’étude dès le début, on apporte une perspective qu’un médecin n’aura pas, à moins qu’il ne vive lui-même avec la maladie qu’il étudie. Comme le résume M. Bédard par l’expression « vous savez pourquoi, je sais comment », le patient comprend mieux son expérience vécue qu’un médecin.
Il est trop tôt pour faire des conjectures à propos des résultats, mais les résultats tangibles de l’essai COLCOT-1 suggèrent que la colchicine pourrait devenir un autre outil efficace dans la lutte contre les maladies cardiovasculaires.
Lectures complémentaires
- Date de modification :