Les tests utilisés actuellement ne permettent pas toujours de diagnostiquer correctement les symptômes d’une commotion cérébrale chez les personnes bilingues
Les Canadiens bilingues victimes d'une lésion cérébrale ne reçoivent peut-être pas l'aide dont ils ont besoin. Une étudiante au doctorat de l'Université d'Ottawa s'efforce de faire progresser les choses à ce sujet grâce à une nouvelle étude portant sur les outils d'évaluation désuets qui ont été conçus il y a plusieurs décennies et qui visaient principalement des hommes blancs anglophones de la classe moyenne.
« Il n'existe pas beaucoup d'études sur la façon dont les personnes bilingues sont touchées par une lésion cérébrale traumatique légère, déclare Somayya Saleemi, dont les recherches sont financées par une bourse d'études supérieures du Canada des IRSC. Il semble que les personnes bilingues obtiennent de moins bons résultats, mais on ne sait pas vraiment pourquoi. J'espère donc que mon étude permettra de mieux comprendre cette question. »
Ces résultats semblent aller à l'encontre de l'hypothèse de « l'avantage du bilinguisme » selon laquelle l'apprentissage d'une langue seconde peut améliorer les fonctions exécutives, telles que l'attention, la mémoire de travail et le contrôle cognitif, et constituer un facteur de protection contre les maladies neurodégénératives.
« Les personnes bilingues bénéficient d'un avantage pour ce qui est de la compensation de la mémoire et du retardement de l'apparition de la démence. Toutefois, le mécanisme neuronal exact de ce phénomène n'est pas clair », explique Somayya Saleemi, qui étudie les effets du bilinguisme sur la cognition et le vieillissement au Laboratoire de neurosciences cognitives du bilinguisme de l'Université d'Ottawa. La recherche effectuée dans ce nouveau laboratoire mise sur l'imagerie par résonance magnétique (IRM), l'électroencéphalographie (EEG) et des mesures comportementales pour comprendre les liens entre l'expérience linguistique bilingue, la cognition ainsi que la structure et le fonctionnement du cerveau.
Au cœur du questionnement se trouvent les tests neuropsychologiques couramment utilisés pour évaluer le fonctionnement du cerveau d'une personne ayant subi une lésion cérébrale traumatique légère. Ces tests reposent en grande partie sur des mesures verbales, telles que la compréhension de la lecture, l'usage du langage, la mémoire, l'attention et le raisonnement. Des études à ce sujet ont révélé que les personnes bilingues ayant subi une lésion cérébrale traumatique légère obtiennent souvent de moins bons résultats que celles unilingues lors de ces évaluations. (Ratiu, I., & Azuma, T. [2017], Ratiu, I., & Azuma, T. [2020].
« Ces types de tâches papier-crayon ne permettent pas toujours de déterminer les véritables rendements cognitifs des personnes bilingues, explique Somayya Saleemi. Par conséquent, nous ne savons pas si les déficits sont attribuables à la lésion cérébrale ou au fait que les mesures dépendent fortement de leur traitement verbal et de leur normalisation fondée sur des échantillons qui ne correspondent pas à la composition démographique actuelle de la société. »
Pour relever ce défi, Somayya Saleemi a lancé la première étude qui combine des tests neuropsychologiques fondés sur l'imagerie cérébrale en recourant à des EEG et à l'IRM pour comparer les résultats obtenus par des personnes unilingues et bilingues, avec et sans antécédent de lésion cérébrale traumatique légère.
« Nous examinons également le fonctionnement du cerveau, ajoute-t-elle. L'IRM fonctionnelle mesure le flux d'oxygène pour déterminer quelles parties du cerveau sont sollicitées ou provoquent une oscillation pendant que vous êtes au repos ou que vous effectuez une tâche, telle que mémoriser des chiffres. L'usage combiné de ces deux méthodes [EEG et IRM] permet d'observer l'activité spatiale et temporelle du cerveau et d'en déterminer les parties qui sont sollicitées différemment. »
La surestimation ou la sous-estimation des répercussions d'une lésion cérébrale traumatique légère peut avoir des conséquences importantes sur la vie des personnes touchées. Les patients peuvent recevoir les mauvais traitements, voire aucun traitement du tout. Les effets à long terme d'une lésion cérébrale traumatique légère peuvent comprendre des vertiges, une dépression, une sensibilité à la lumière, des maux de tête, de la fatigue et des troubles de la mémoire à court terme. L'une des conséquences les plus redoutées d'une lésion cérébrale est le risque accru de souffrir de démence plus tard dans la vie.
« Jusqu'à présent, les gens n'ont pas vraiment été traités différemment s'ils étaient bilingues ou unilingues. Ils ont été regroupés dans un seul et même groupe, explique-t-elle. Plus nous en saurons sur la façon dont le cerveau est touché, mieux nous pourrons concevoir des évaluations et des traitements fondés sur des données probantes qui conduisent à de meilleurs résultats pour tous les patients. »
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