Pôle de la Colombie Britannique de l'ICRIS : Trouver des solutions factuelles à l'accès précaire aux soins spécialisés en dépendance
Derrière le spectacle majestueux qu'offrent son relief montagneux et ses forêts luxuriantes, une réalité sinistre dévore la Colombie-Britannique, qui peine à répondre à la demande de soins d'un nombre record de personnes aux prises avec une dépendance.
« Le programme pour lequel je travaille se situe dans l'ancien refuge pour animaux de la ville et a uniquement vocation à aider les personnes aux prises avec une dépendance à gérer les symptômes de sevrage », raconte le Dr Evan Wood (en anglais seulement), médecin spécialiste de la dépendance et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en médecine de la dépendance à l'Université de la Colombie-Britannique (en anglais seulement). « Cela donne une idée de l'intérêt que portent les responsables des politiques de santé de la province aux services de soins destinés aux personnes dépendantes ».
Depuis le début de l'année, plus de six personnes en moyenne succombent quotidiennement à une surdose d'opioïdes en Colombie-Britannique. La courbe des décès poursuit son inexorable ascension dans la province, et ce, malgré l'état d'urgence sanitaire déclaré en avril 2016. Autre ombre au tableau : les coûts liés à l'alcoolisme pour la société, qui selon le rapport Coûts et méfaits de l'usage de substances au Canada seraient trois fois supérieurs à ceux liés aux opioïdes, ce que déplore le Dr Wood : « La situation est une véritable tragédie pour les familles et porte un coup au moral des professionnels qui exercent dans le domaine. À la hausse des méfaits causés par la consommation de substances psychotropes s'ajoutent des investissements qui se sont révélés clairement inadéquats pour freiner la crise. »
« La consommation de substances psychotropes nuit à la santé, à la prévention des maladies et au lien social à grande échelle, explique le Dr Wood. Les principaux motifs d'une consultation chez le médecin, comme l'insomnie, l'hypertension et la toux chronique, sont par exemple souvent provoqués par le tabagisme et l'alcoolisme. Le constat est clair, mais nos dirigeants peinent à prendre la pleine mesure des effets que produit la consommation de ces substances sur la santé. »
La recherche, clé du changement
Ardent promoteur d'une amélioration du traitement des dépendances, le Dr Wood estime que la solution passera par l'intégration accrue des résultats de la recherche dans les politiques publiques et par de nouvelles études dans les domaines où les données probantes sont fragmentaires. À titre de chercheur principal désigné, il codirige le pôle de la Colombie-Britannique (en anglais seulement) de l'Initiative canadienne de recherche sur les impacts des substances psychoactives (ICRIS) (en anglais seulement), un réseau financé par les Instituts de recherche en santé du Canada. Composé de cinq pôles régionaux (en anglais seulement), le réseau s'appuie sur l'expertise de personnes vivant avec des troubles liés à une dépendance, de scientifiques, de professionnels de la santé, de partenaires autochtones et de responsables de politiques pour mettre sur pied des projets de recherche axés sur la lutte contre la crise de consommation de substances psychotropes au Canada.
« Chaque pôle possède des compétences uniques, mais s'appuie sur des personnes aux prises avec une dépendance ou susceptibles d'impulser des changements positifs pour mener à bien chaque étape de la mission qui lui est confiée, assure le Dr Wood. L'idée est de poser les bonnes questions et de tenter d'y répondre avec l'objectif de réduire la prévalence de ce fléau dans nos communautés. »
L'ICRIS, lueur d'espoir
À l'instar d'autres groupes de premier plan, le pôle de la Colombie-Britannique œuvre à l'élaboration de recommandations importantes, comme les lignes directrices nationales (en anglais seulement) de traitement des troubles liés à la consommation d'opioïdes et d'alcool.
Le Dr Wood a lui-même contribué à la rédaction des lignes directrices nationales de l'ICRIS sur le traitement des troubles de l'usage de l'alcool (en anglais seulement), publiées dans le Journal de l'Association médicale canadienne. Elles révèlent entre autres que seulement 5 % des personnes alcooliques suivent un traitement efficace et que les médicaments d'ordonnance courants, dont certains antidépresseurs, ne prodiguent non seulement aucun bienfait face aux troubles de l'usage de l'alcool, mais peuvent au contraire les empirer!
« La théorie selon laquelle les besoins des personnes présentant des troubles de consommation d'alcool peuvent être comblés par des visites périodiques chez des médecins qui se contentent de prescrire des antidépresseurs ou d'autres médicaments pour traiter des problèmes de santé mentale imputables à l'alcool est aujourd'hui complètement dépassée, avance le Dr Wood. Les études démontrent clairement que ce type de médicaments peuvent potentiellement aggraver les troubles de certains patients. »
L'ICRIS a également créé des lignes directrices sur la prise en charge clinique du trouble lié à l'usage d'opioïdes, les premières au Canada, qui proposent des approches exemplaires pour traiter ce trouble, et a appuyé l'élaboration par des chercheurs du réseau des premières lignes directrices sur le traitement par agonistes opioïdes injectables du trouble lié à l'usage d'opioïdes au monde.
Le dernier projet en date de l'ICRIS, auquel participe le pôle de la Colombie-Britannique, concerne l'étude d'un nouveau traitement du trouble de l'usage de stimulants (comme les méthamphétamines) qui visera à remédier au manque de perspectives offertes aux personnes souffrant de ce trouble dans le pays.
Prochaine étape : Données probantes, investissements et compassion
Le Dr Wood a l'intime conviction qu'un pas important sera franchi lorsque l'usage de substances psychotropes ne sera plus considéré comme une question de justice pénale ou d'ordre moral, qui nourrissent les préjugés, mais comme un enjeu de société et de santé publique. Selon lui, les services d'urgences illustrent parfaitement la situation actuelle : « Une personne qui éprouve des douleurs à la poitrine et se rend aux urgences sera immédiatement prise en charge par une équipe de médecins bien formés et admise en service de cardiologie. Elle se verra alors prodiguer des médicaments efficaces et des recommandations sur les sujets du tabagisme, de l'alimentation et de l'activité physique. Une semaine ou deux plus tard, elle aura un rendez-vous de suivi avec un spécialiste qui travaillera en étroite collaboration avec son médecin de famille. Une personne qui se présente aux urgences pour traiter un problème de dépendance n'a pas cette chance. Il est même fort probable que l'entrée lui soit refusée. La triste réalité est que les patients aux prises avec une dépendance n'ont pas accès à un système de soins digne de ce nom. »
Pour sortir de cette situation, le Dr Wood prévient : « Nous devons sérieusement nous pencher sur les coûts en aval de cet échec parce que des montants considérables sont investis dans des domaines qui engendrent des souffrances et des conséquences évitables. Le temps est venu de faire tomber les préjugés et d'investir dans un système de soins pour les personnes présentant un trouble de dépendance, comme nous le faisons pour celles qui vivent avec d'autres problèmes de santé. »
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