Évaluation de l’exemption en Colombie-Britannique visant la possession personnelle de petites quantités de drogues illicites : Réunion semestrielle
Compte Rendu
Date de la réunion : 23 novembre 2023
Lieu : Réunion virtuelle
Introduction
La possibilité de financement qui fait l’objet du présent compte rendu a été créée dans l’intention d’assurer l’évaluation indépendante de l’exemption accordée à la Colombie-Britannique en vertu du paragraphe 56(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances du gouvernement du Canada, entrée en vigueur le 31 janvier 2023. De plus amples renseignements sur la possibilité de financement ainsi que sur l’équipe du pôle de l’Ontario de l’Initiative canadienne de recherche sur l’abus de substances (ICRAS) à la tête de ce projet d’évaluation sur cinq ans sont accessibles sur le site Web des IRSC et sur le site Web du pôle de l’Ontario de l’ICRAS (en anglais seulement).
L’Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies (INSMT) des IRSC s’investit dans la mobilisation des connaissances. Le présent compte rendu s’inscrit dans cette démarche et dresse un état des lieux des avancées de l’évaluation présentées par l’équipe responsable du projet lors de la réunion semestrielle du 23 novembre 2023.
Le prochain compte rendu aura lieu entre le printemps et l’été 2024.
Objectifs de l’évaluation
- Mobiliser divers groupes d’intervenants (personnes qui consomment des drogues, population générale, corps policier, personnel du système de justice pénale, etc.) pour générer des données probantes sur les répercussions qu’entraîne la décriminalisation de la possession de drogues sur la santé publique et l’économie;
- Impulser la collaboration interdisciplinaire avec les décideurs et les utilisateurs des connaissances pour répondre aux besoins urgents de données probantes et éclairer les politiques relatives aux drogues;
- Étudier le contexte local et d’autres facteurs, comme les déterminants biologiques et sociaux (p. ex. sexe, genre, âge, logement et revenu) et les sous-populations (p. ex. rurales ou urbaines);
- Cerner d’autres aspects des activités d’évaluation à venir, comme les connaissances généralisables liées aux processus de mise en œuvre ou aux facteurs qui entravent ou facilitent ces processus;
- Promouvoir des pratiques fondées sur les données probantes au moyen d’activités de dissémination des connaissances.
Résumé des progrès
Depuis la publication de son premier rapport d’étape, l’équipe de recherche à la tête du projet s’emploie à tisser des partenariats avec des utilisateurs des connaissances et des chercheurs clés. Sur la base de ces collaborations, des ententes de partage des données ont été conclues en vue d’accéder aux renseignements requis pour procéder aux analyses. Des accords d’ordre juridique et administratif ont également été parafés avec divers partenaires, dont le Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique, Statistique Canada, l’Institut canadien d’information sur la santé et des chercheurs de l’Université Simon-Fraser. Par ailleurs, le projet de recherche comprend plusieurs sous-projets interreliés reposant sur des analyses qualitatives et quantitatives d’indicateurs clés de la recherche. Chaque sous-projet relève désormais d’un groupe de travail composé d’experts, parmi lesquels des personnes possédant une expérience concrète qui ont contribué à concevoir l’étude et la proposition de projet et qui participeront activement à sa mise en œuvre. L’ensemble des sous-projets a été soumis au processus d’évaluation de l’éthique de la recherche des établissements concernés. De plus amples informations sur la conception du projet figurent sur la page Évaluation de la politique de décriminalisation (en anglais seulement).
Les prochaines sections offrent une vue d’ensemble des avancées accomplies dans chaque sous-projet et des résultats enregistrés (le cas échéant).
Répercussions de la décriminalisation sur les personnes qui consomment des drogues
Ce sous-projet vise à examiner les répercussions de la décriminalisation sur la santé et l’expérience des personnes qui consomment des drogues (PCD). Il repose sur des entretiens qualitatifs et sur des analyses quantitatives.
Entretiens qualitatifs
Perception des PCD de la décriminalisation avant l’entrée en vigueur de la politique
Entre juin et octobre 2022, les chercheurs ont interrogé 45 PCD en Colombie-Britannique sur le sujet de la décriminalisation. Les résultats de cette enquête ont été publiés dans la revue Substance Abuse Treatment, Prevention and Policy (en anglais seulement) en juin 2023Note en bas de page 1, et un résumé vulgarisé de l’analyse est offert par EENet (en anglais seulement). Les conclusions de cette enquête peuvent être classées en deux catégories :
Effets de l’imposition d’un seuil sur les habitudes de consommation et d’acquisition de drogue
- Les PCD interrogées ont considéré que le seuil maximal de possession de drogue autorisé, fixé à 2,5 g, est trop bas et ne reflète pas leurs habitudes de consommation. Certaines d’entre elles ont estimé que la politique n’allait pas influer sur leurs habitudes en raison de leur incapacité à acheter des quantités importantes en une seule fois, tandis que d’autres ont affirmé que ce seuil allait les forcer à augmenter la fréquence de leurs achats, accroissant par la même occasion le risque de méfaits.
- Les PCD ont dans l’ensemble considéré que le seuil de 2,5 g ne devait pas être cumulatif ou s’appliquer à une liste restreinte de substances psychoactives et que sa pertinence dépendait des habitudes d’achat et de consommation, qui varient d’une personne à l’autre.
- Sur le plan économique, des achats groupés semblaient plus pertinents, en particulier pour les PCD appartenant à des collectivités éloignées, qui ont pour habitude de recourir à cette méthode et de répartir les drogues entre utilisateurs.
Effets de l’imposition d’un seuil sur les pratiques et le pouvoir discrétionnaire de la police et différences entre administrations
- Les relations entre la police et les PCD n’ont jamais été un long fleuve tranquille. Ces dernières ont exprimé leur crainte d’une application arbitraire de la loi, notamment dans les collectivités rurales, éloignées ou marginalisées, exposant ces populations à un risque d’arrestation accru.
- Les PCD ont affirmé redouter la prise pour cible ou l’arrestation de leurs fournisseurs de confiance, les contraignant à se tourner vers de nouvelles sources et à courir le risque de subir des méfaits.
Résumé
- L’hétérogénéité des habitudes et des fréquences d’achat et de consommation entre PCD est un élément qui mérite d’être intégré à la politique, en particulier en ce qui concerne le seuil maximal de possession de drogue fixé et son évaluation. Dans certains cas, les PCD procèdent à des achats groupés auprès de fournisseurs fiables et constants pour réduire les coûts. La police est amenée à jouer un rôle important pour assurer le respect de la politique et contrôler le trafic et les quantités détenues.
- Les effets du seuil maximal de possession de drogue, fixé à 2,5 g, doivent faire l’objet d’une surveillance afin de déterminer s’ils portent préjudice à la politique.
Perception des PCD de la décriminalisation après l’entrée en vigueur de la politique
Une nouvelle ronde d’entretiens a été menée à partir d’octobre 2023 en vue de bien saisir le ressenti des PCD à l’égard de la décriminalisation. En date du présent compte rendu, 55 personnes ont été interrogées. Au cours des cinq années du projet, un total de quatre rondes d’entretiens sont prévu. Chacune d’entre elles portera sur les cohortes de PCD recrutées de part et d’autre de la province et visera à assurer la représentation équitable des cinq autorités provinciales de la santé.
Sujets d’intérêt mis en évidence à ce jour
- La grande majorité des PCD connaît l’existence de la politique, mais ignore les détails liés au seuil maximal de possession autorisé ou à la liste de substances psychoactives permises. Une proportion de PCD ne sont pas du tout au courant de la politique.
- Les PCD ne craignent pas d’être arrêtées et préfèrent détenir les quantités dont elles ont besoin.
- Le seuil de 2,5 g est trop bas et ne reflète pas les habitudes d’achat et de consommation des PCD.
- Les PCD ont signalé que la police ne leur distribue pas de cartes de ressources et ne leur prodigue aucune information verbale sur les services de santé et de soins qui leur sont offerts dans la communauté.
Analyse quantitative
L'équipe de recherche analysera des données quantitatives produites par des sources diverses (Statistique Canada, le Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique et l’Institut canadien d’information sur la santé) entre 2013 et 2027 – avant, pendant et après la période d’exemption accordée à la Colombie-Britannique – dans le but de mesurer les effets de la décriminalisation de la possession de drogues sur la santé des PCD. Indicateurs retenus : prescriptions de traitements par agonistes opioïdes, recours aux services de prévention de surdoses, hospitalisations découlant d’une surdose de drogues illicites, surdoses de drogues illicites traitées par les ambulanciers paramédicaux, décès par surdose, concentration de résidus de drogues dans les eaux usées par habitant. L’analyse des données devrait débuter à la mi-2024.
Résumé des résultats de l’analyse à ce jour
- Au moment de l’entrée en vigueur de la politique de décriminalisation, le nombre de cas d’intoxications impliquant des opioïdes traitées par les ambulanciers paramédicaux et d’intoxications mortelles liées à des drogues illicites en Colombie-Britannique était en hausse.
Police et système de justice pénale
Ce sous-projet vise à examiner les effets de la décriminalisation sur le système de justice pénale et l’expérience vécue par le personnel du système et la police. Il repose sur des entretiens qualitatifs et sur des analyses quantitatives.
Entretiens qualitatifs
Pendant les cinq années du projet, l’équipe de recherche conduira des entretiens qualitatifs avec des cohortes de policiers œuvrant de part et d’autre de la province en vue de bien saisir leur ressenti à l’égard de la décriminalisation. La collecte de données a commencé en novembre 2023, et les premiers résultats seront annoncés ultérieurement.
Analyse quantitative
L'équipe de recherche analysera des données quantitatives produites par Statistique Canada (dans le cadre du Programme de déclaration uniforme de la criminalité et de l’Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle, notamment) entre 2013 et 2027 – avant, pendant et après la période d’exemption accordée à la Colombie-Britannique – dans le but de mesurer les effets de la décriminalisation de la possession de drogues sur la police et sur le système de justice pénale. Indicateurs retenus : infractions déclarées par la police qui concernent la possession de drogues illicites et poursuites pénales relatives aux drogues illicites.
Résumé des résultats de l’analyse à ce jour
Avant l’entrée en vigueur de la politique de décriminalisation, les statistiques publiées par la police faisaient état d’une baisse des infractions liées à la possession de la plupart des drogues illicites, à l’exception de la méthamphétamine, qui a récemment connu une hausse.
Grand public
Ce sous-projet vise à examiner les répercussions de la politique de décriminalisation sur le grand public au moyen de sondages d’opinion, lesquels seront menés à partir de janvier 2024 auprès d’un échantillon représentatif d’adultes en Colombie-Britannique.
Système de santè
Ce sous-projet vise à examiner les répercussions de la décriminalisation sur les programmes de réduction des méfaits et les services de traitement par agonistes opioïdes. Il repose sur des sondages menés auprès de représentants de ces programmes et services dans l’ensemble de la province (sur des sujets comme le recours aux services, le profil sociodémographique des bénéficiaires, les orientations offertes, le financement, etc.). Des entretiens de suivi et approfondis avec un échantillon de bénéficiaires suivront. Les sondages devraient être menés à partir de janvier 2024.
Conséquences économiques
Ce sous-projet vise à examiner les répercussions de la décriminalisation sur l’économie. Il repose sur une estimation du poids de la consommation de drogue sur l’économie de la province ainsi que sur une analyse des coûts engendrés par les interventions opérées et de leurs effets. Une comparaison de la situation avec des données recueillies en amont et en aval de la période d’exemption permettra au chercheurs de calculer le retour sur investissement de la politique de décriminalisation. Les résultats de l’étude ne seront connus qu’à la fin du projet, mais les chercheurs espères être en mesure de communiquer ponctuellement des informations qui éclaireront les décisions liées aux plans d’économie.
Triangulation des connaissances
Ce sous-projet se divise en deux composantes :
- Une analyse des effets de la législation sur la consommation publique de drogues (projet de loi C-34 : Loi restreignant la consommation publique de substances illégales) et des règlements administratifs connexes (relatifs à la consommation publique de drogues ou à tout sujet lié aux drogues), qui visera à déterminer leurs répercussions potentielles sur la mise en œuvre de la politique de décriminalisation et à mettre en évidence d’éventuelles disparités entre les collectivités. La recherche préliminaire de règlements administratifs a commencé, et un manuscrit est en cours d’ébauche.
- Des groupes de discussion fourniront une rétroaction sur les données recueillies dans le cadre de chacun des sous-projets. Ces groupes, composés d’intervenants clés – PCD, membres du public, corps policier, personnel du système de justice pénale, représentants de programmes de réduction des méfaits et de traitement par agonistes opioïdes – ne se réuniront que vers la quatrième année du projet.
Conclusion et prochaines étapes
Le projet a vocation à éclairer les discussions sur la politique menée, ses éventuelles modifications et toute recommandation relative à la décriminalisation de drogues illicites en Colombie-Britannique et dans les autres provinces ou territoires qui envisagent une telle ligne de conduite.
L’équipe du pôle de l’Ontario de l’ICRAS s’emploie à faire avancer les six sous-projets présentés dans le présent rapport et continuera à conduire des entretiens, à réaliser des sondages, à recueillir des données, à mener des analyses et à en publier les résultats.
La prochaine mise à jour aura lieu au printemps 2024.
Renseignements
De plus amples renseignements sur le projet sont disponibles sur le site Web des IRSC et sur le site Web du pôle de l’Ontario de l’ICRAS (en anglais seulement).
D’autres informations sur les initiatives de recherche des IRSC sur la consommation de substances psychoactives sont offertes sur le site Web de l’organisation ou peuvent être obtenues par courriel à rsu-rst@cihr-irsc.gc.ca.
Découvrez l’étendue de l’action menée par l’Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies des IRSC en consultant son site Web ou en écrivant à INMHA-INSMT@cihr-irsc.gc.ca.
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