Dispositifs portables en santé numérique
Leçons tirées de l’atelier de renforcement de l’IALA des IRSC de mai 2024
L’atelier
L’IALA des IRSC est résolu à appuyer la recherche sur l’essor du numérique dans les domaines de la santé et de l’activité physique. Dans cette optique, l’Institut a tiré parti des éclairages de chercheurs et d’éminents spécialistes, parmi lesquels le Dr Emmanuel Stamatakis et le Dr Adrian Bauman de l’Université de Sydney en Australie et la Dre Fiona Bull de l’Organisation mondiale de la santé, pour tenir en mai 2024 un atelier de deux jours dans la ville britanno-colombienne de Vancouver.
La rencontre a permis d’offrir à un groupe diversifié de participants un espace propice à la discussion de sujets liés aux outils numériques et aux technologies de mesure de l’état de santé et de l’activité physique. Dans le cadre de séances de mise en commun des connaissances et de discussions, plus de 30 participants ont parlé de leurs résultats de recherche et échangé avec leurs collègues sur les cinq principaux thèmes de la rencontre : matériel et logiciel, sous-populations, santé publique et des populations, éthique et équité, science de la mise en œuvre. Le contenu et les résultats des discussions sont résumés dans le présent document.
L’IALA des IRSC tient à exprimer sa gratitude au Dr Stamatakis, aux animateurs des discussions et à l’ensemble des participants pour leurs précieuses contributions à l’atelier.
Thèmes
- Matériel et logiciel : Dispositifs, données et intelligence artificielle
- Mettre au point des dispositifs matériels et des applications logicielles, et mettre en place l’infrastructure technologique requise. Dans ce thème s’inscrivent la collecte, le traitement et l’analyse des données générées par les dispositifs de suivi (c.-à-d. les dispositifs portables) et l’intégration de l’intelligence artificielle.
- Sous-populations : Mesures et interventions
- Tenir compte des caractéristiques de sous-populations particulières en mesurant et en analysant les données démographiques, comportementales et axées sur l’état de santé. Élaborer des interventions ciblées et adaptées aux besoins particuliers de ces groupes.
- Santé publique et des populations : Surveillance et promotion
- Se pencher sur le bien-être de populations entières par le suivi et la surveillance des indicateurs de santé, du niveau d’activité physique et d’autres tendances à l’échelle de la population. Examiner les efforts de promotion de la santé visant à améliorer les résultats cliniques globaux en santé publique par des activités de sensibilisation, des mesures préventives et des interventions stratégiques.
- Éthique et équité : Confidentialité des données et accessibilité numérique
- Voir au respect des principes éthiques associés à l’utilisation des technologies dans les soins de santé et de santé publique ainsi que du droit à la privée lors de la collecte, du stockage et de la communication des données de santé. Améliorer l’accessibilité aux interventions numériques pour veiller à ce que les technologies profitent à tous.
- Mise en œuvre : Fidélisation aux interventions et viabilité
- Mettre en œuvre et soutenir des interventions axées sur les technologies dans les milieux des soins de santé et de la santé publique. Assurer la fidélisation aux interventions prévues et éliminer les obstacles à leur mise en œuvre pour assurer la viabilité des interventions à long terme.
Matériel et logiciel
Les technologies existantes et en développement jettent les bases de la santé numérique.
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Contexte actuel : travaux en cours
Divers outils matériels et logiciels, passant des actigraphes utilisés en recherche aux dispositifs portables conviviaux pour les consommateurs, ont été mis au point pour mesurer l’activité physique. On observe un recours accru aux applications concrètes qui reposent sur des méthodes comme les évaluations écologiques momentanées, les interventions adaptées au moment opportun et la surveillance continue en tout temps. À mesure que l’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique évoluent, nous les intégrons à des systèmes de suivi de l’activité physique afin d’en améliorer l’exactitude et de recueillir davantage de données. Toutefois, il est essentiel d’adopter des protocoles normalisés et de mener des études de validation pour assurer la fiabilité et la comparabilité des données entre différentes plateformes. Les technologies de pointe s’avèrent prometteuses pour promouvoir des modes de vie sains et des interventions personnalisées.
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Défis à relever : difficultés fréquentes
Le coût et l’accessibilité des dispositifs portables, ainsi que les défis inhérents au traitement des données brutes et à la coordination logistique des travaux de recherche dans des contextes réels, comptent parmi les difficultés les plus fréquentes dans le domaine, et ces obstacles sont étroitement liés aux besoins de perfectionnement des chercheurs. Un autre important défi consiste dans le suivi du nombre croissant d’études sur la fiabilité et la validité des dispositifs portables. En outre, la coordination lacunaire des efforts visant à surmonter les difficultés d’ordre méthodologique et à normaliser les méthodes de collecte et d’analyse des données persiste dans le domaine de la recherche sur l’activité physique. D’autres obstacles tels que le réglage des hyperparamètres et les contraintes liées à la disponibilité des données entravent l’avancement des applications d’apprentissage automatique en recherche en santé.
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Lacunes à combler : éléments manquants
La plupart du temps, les outils logiciels qui traitent efficacement les données informatiques sur les interventions comportementales ne sont pas dotés d’une interface conviviale, ce qui pose un défi pour les personnes qui ne maîtrise pas le codage. Les préoccupations sur la sécurité des données et la conformité à la réglementation, comme celles décrites dans la Health Insurance Portability and Accountability Act [loi sur la transférabilité et la responsabilité en matière d’assurance maladie], soulignent la nécessité d’améliorer les mesures de protection des renseignements de nature délicate. Une incertitude persiste quant à la capacité de prédire les résultats cliniques à partir des données sur l’activité physique, en particulier ceux sur la fonction cognitive, ce qui indique la nécessité de mener un examen plus approfondi. En outre, la sous représentation des pays à faible revenu dans les lignes directrices actuelles met en évidence les connaissances lacunaires sur les effets sur la santé dans divers contextes à l’échelle mondiale.
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Possibilités d’amélioration : prochaines étapes
L’élaboration de plateformes conviviales de traitement, d’analyse et de visualisation des données recueillies par les dispositifs portables, qui répondent aux besoins de personnes dont les compétences en codage sont variables, a été présentée comme une possibilité d’amélioration. Il serait également possible de bonifier l’interface de programmation d’applications (API) et les protocoles d’échange de données pour les dispositifs utilisés en recherche, ce qui faciliterait l’adoption aux interventions. Il est important d’élaborer des pratiques de stockage des données transparentes et sécurisées afin de bien répondre aux besoins de recherche. De plus, les chercheurs, les établissements et les partenaires de l’industrie peuvent collaborer à trouver des applications d’apprentissage automatique et à combler les lacunes au chapitre de la représentation mondiale, ce qui enrichirait notre compréhension des comportements et des résultats de santé à l’échelle mondiale.
Sous-populations
Grâce aux outils numériques, toute personne (de l’athlète au patient) peut surveiller l’évolution de son état de santé.
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Contexte actuel : travaux en cours
La technologie prêt-à-porter et les outils numériques en santé aident depuis longtemps les gens à atteindre leurs objectifs de santé. Toutefois, les dispositifs portatifs et les interventions numériques en santé, comme les technologies de cybersanté et les applications mobiles, jouent depuis peu un rôle accru dans les milieux cliniques, que ce soit pour la prescription d’activité physique ou la prise en charge d’un problème de santé. De plus, on observe une multiplication des lignes directrices sur la prescription d’activité physique et un intérêt accru pour les études longitudinales visant à promouvoir des modes de vie actifs auprès de la population canadienne.
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Défis à relever : difficultés fréquentes
Les contraintes technologiques, comme l’abordabilité et l’exactitude du suivi, ainsi que la faible adhésion aux programmes d’entraînement entravent l’avancement et l’adoption d’interventions numériques en faveur de l’activité physique. La validité des données recueillies à partir des dispositifs portables et la fiabilité des lignes directrices publiées exigent toujours des améliorations, ce qui a une incidence sur l’intégration de la technologie prêt-à-porter dans les traitements et l’application des lignes directrices. Quant aux cliniciens, ils doivent parfois composer avec des contraintes de temps au moment d’offrir du soutien personnalisé ou des entretiens motivationnels qui s’avèrent essentiels pour renforcer la confiance et favoriser des changements comportementaux en évitant la surmédicalisation de l’activité physique.
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Lacunes à combler : éléments manquants
L’évaluation de l’efficacité réelle des interventions prescrites en activité physique, en particulier au sein de populations cliniques particulières, demeure une importante lacune de recherche. Des travaux plus approfondis sur les interventions adaptées aux besoins et préférences de divers patients s’imposent, car il existe peu d’information sur les facteurs favorisant ou entravant l’adhésion aux programmes d’entraînement. Il convient de souligner l’importance des stratégies personnalisées, compte tenu de l’efficacité incertaine des interventions actuelles pour répondre aux préférences personnelles des patients.
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Possibilités d’amélioration : prochaines étapes
La collaboration interdisciplinaire qui tient compte de divers points de vue permet de surmonter des difficultés et de mettre au point des interventions efficaces. Il est possible d’améliorer la prestation et le suivi des interventions par la mise à profit de technologies novatrices (p. ex. applications mobiles), jumelées à des services de soutien psychologique qui sont susceptibles d’accroître la motivation et l’adhésion aux interventions en activité physique. La réalisation d’études longitudinales visant à évaluer les effets durables sur la santé et la prise en compte des connaissances issues de la science du comportement peuvent également améliorer les résultats des interventions.
Santé publique et des populations
Les dispositifs portables (produits commerciaux ou de recherche) suivent les tendances en santé des populations.
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Contexte actuel : travaux en cours
Depuis plusieurs années, le gouvernement du Canada surveille le niveau d’activité physique de la population au moyen de l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé. Compte tenu de la disponibilité et de l’utilisation accrues des dispositifs dotés de fonctionnalités de suivi et de mesure, les études viennent compléter les questionnaires et les mesures physiques en intégrant les données de santé provenant d’appareils commerciaux, comme les dispositifs portables. Ces outils servent à guider les comportements actifs des personnes de tous âges et sexes au fil du temps ainsi qu’à surveiller leur état de santé. De plus, les technologies grand public peuvent être utilisées dans le cadre d’interventions visant à promouvoir l’activité physique.
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Défis à relever : difficultés fréquentes
La gestion de la logistique entourant la distribution des dispositifs et la normalisation des protocoles dans toutes les études visant à assurer l’uniformité et la comparabilité des données demeurent des défis importants. Il est fréquent d’observer une adoption limitée des dispositifs portables au sein de certaines populations, situation qui est parfois à l’origine de biais dans les ensembles de données, ainsi que des difficultés à obtenir des données exactes en raison de problèmes comme la perte d’appareils, la non-assiduité des participants et des difficultés techniques.
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Lacunes à combler : éléments manquants
Les divers domaines et formes d’activité physique, comme le transport actif, le sommeil, le temps d’écran et la musculation ne sont pas suffisamment pris en compte dans les activités de surveillance. L’absence de données comparatives complique l’évaluation des résultats du Canada en comparaison avec ceux d’autres pays. De plus, des protocoles normalisés, des manuels de formation et des procédures de contrôle de la qualité s’imposent pour assurer l’uniformité et la fiabilité des données recueillies au moyen de diverses sources et méthodologies.
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Possibilités d’amélioration : prochaines étapes
L’intégration de dispositifs portables à des études longitudinales à grande échelle présente des possibilités d’accroître la compréhension des comportements actifs, des trajectoires du vieillissement et de l’incidence des interventions sur le vieillissement en santé. La collaboration entre experts de divers domaines s’avère une occasion de surmonter des difficultés d’ordre méthodologique et de faire progresser la recherche sur le vieillissement en santé. Les données recueillies par des activités de surveillance à l’échelle nationale et des études longitudinales peuvent orienter les stratégies d’intervention et les politiques fondées sur des données probantes visant à promouvoir l’activité physique et à améliorer la santé globale de la population.
Éthique et équité
La protection de la vie privée et l’accessibilité s’annoncent comme de grandes priorités dans la foulée de l’utilisation accrue des technologies.
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Contexte actuel : travaux en cours
Les technologies numériques de la santé sont applaudies pour leur grande portée. Or, des pratiques de conception inclusives s’imposent dans le domaine des soins de santé pour que quiconque, indépendamment de son âge, de son statut socioéconomique ou de ses capacités, soit en mesure de tirer des bienfaits de ces technologies. Il faut tenir compte des mesures d’accessibilité, de la sécurité des données et des répercussions de la conception, qui influent sur la façon dont les utilisateurs interagissent avec les outils numériques en santé. De plus, il faut intégrer les approches axées sur la personne, une structure de gouvernance inclusive et les principes de la science ouverte dans la conception et l’utilisation des données de santé lorsqu’il est question de tenir compte de divers systèmes de connaissances.
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Défis à relever : difficultés fréquentes
Les obstacles qui entravent l’accès aux services essentiels de soins de santé aux populations mal desservies sont accentués par des problèmes systémiques comme l’inégalité en éducation, les obstacles géographiques et la discrimination active. L’expérience concrète des personnes issues d’un groupe marginalisé est par ailleurs exclue des pratiques traditionnelles fondées sur des données probantes. Il reste par ailleurs des défis à relever concernant la promotion de l’équité et de l’inclusion dans la recherche, notamment en s’attaquant aux biais dans la collecte et l’interprétation des données ainsi qu’en tenant compte de l’intersectionnalité dans le plan et l’analyse de la recherche. On observe une réticence à remettre en question les méthodologies et les cadres existants pour la recherche et la pratique clinique. Il existe aussi peu de possibilités de publication et de dissémination des données probantes sous forme non conventionnelle.
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Lacunes à combler : éléments manquants
La compréhension de l’expérience et des préférences personnelles des patients est limitée, en particulier chez les personnes issues d’un groupe marginalisé. Parmi les connaissances lacunaires cernées, notons les cadres inadéquats pour intégrer les perspectives des patients à la recherche et à la pratique en soins de santé afin de mettre au point des interventions en concertation, de même que l’intégration de solutions numériques dans les soins de santé prodigués en personne au sein des communautés mal desservies. Il faut mener des recherches plus approfondies sur les possibles conséquences négatives des outils technologiques et l’incidence des dispositifs grand public, ainsi que sur les effets à long terme des interventions numériques. Il faut en outre clarifier l’interaction des personnes avec les données recueillies par les dispositifs portables afin de favoriser l’équité et l’inclusion à l’étape de conception.
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Possibilités d’amélioration : prochaines étapes
Il est essentiel de déployer des efforts de collaboration interdisciplinaire pour surmonter les obstacles à l’accès aux soins de santé pour les populations marginalisées. La conception conjointe d’interventions numériques équitables en santé et l’élaboration de stratégies nationales de gouvernance des données de santé au Canada exigent une collaboration entre les différents secteurs de la recherche. Il est par ailleurs impératif de promouvoir l’équité dans la recherche en s’attaquant aux préjugés et en favorisant l’inclusion, sans oublier de tenir compte des avantages et des conséquences imprévues possibles des interventions numériques. Il faut aussi promouvoir la littératie numérique afin que les utilisateurs soient en mesure de prendre des décisions éclairées, tout en menant des recherches rigoureuses à l’appui de lignes directrices fondées sur des données probantes afin d’assurer un accès équitable aux interventions. La collaboration interdisciplinaire peut favoriser l’intégration efficace et holistique de la technologie prêt à porter et d’autres outils numériques aux systèmes de soins de santé.
Mise en œuvre
Le fait d’assurer la viabilité des outils numériques en santé et la fidélisation à ces outils favorise des changements comportementaux durables.
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Contexte actuel : travaux en cours
La science de la mise en œuvre s’inspire de diverses disciplines et présente de nombreux cadres théoriques applicables à différentes étapes du processus de mise en œuvre. La recherche est axée sur l’informatique affective et l’utilisation de technologies grand public, telles que les dispositifs portables et les applications mobiles, afin de promouvoir l’activité physique et l’autogestion chez les personnes aux prises avec une maladie chronique. De plus, des modèles de soutien par les pairs et des approches communautaires sont à l’étude comme points de contact possibles pour les interventions numériques, en particulier celles destinées aux personnes atteintes d’une malade chronique.
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Défis à relever : difficultés fréquentes
La complexité des déterminants qui influent sur la mise en œuvre, les difficultés à définir ces déterminants et le maintien des activités de mise en œuvre au fil du temps représentent certains des défis à relever. À ces défis s’ajoute l’étude des facteurs favorables et défavorables à l’activité physique, sans oublier l’écart entre les connaissances et la pratique entravant la mise en œuvre de lignes directrices sur l’activité physique en contexte clinique.
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Lacunes à combler : éléments manquants
Le manque d’outils de mesure des facteurs intangibles, l’intégration insuffisante de méthodes qualitatives aux processus de recherche et d’évaluation ainsi que les lacunes relatives à la compréhension et à l’évaluation des interactions entre personnes sont quelques-uns des principaux obstacles à la mise en œuvre des interventions numériques en santé. Il faut également réaliser un examen plus approfondi de l’adhésion à long terme aux interventions numériques ainsi que de l’intensité et de la fréquence optimales des interventions.
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Possibilités d’amélioration : prochaines étapes
Parmi les possibilités d’amélioration cernées, notons l’emploi de méthodes de recherche qualitative pour générer des connaissances, mettre en pratique des théories comme la théorie sociale cognitive pour mieux comprendre les processus de mise en œuvre et recourir à la science de la mise en œuvre pour combler systématiquement l’écart entre les connaissances et la pratique. De plus, la mobilisation des patients, la conception concertée d’interventions et les interventions multiniveaux sont essentielles à la promotion de l’activité physique et des comportements d’autogestion chez les personnes atteintes d’une maladie chronique.
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