Comment un microbiome en santé protège-t-il le bébé contre l’inflammation chronique? Le mystère est résolu!

Le Dr Kelly McNagny et une étudiante au laboratoire (Photo : Phillip Chin)

Pourquoi les environnements aseptisés protègent-ils contre les infections, mais semblent-ils augmenter les risques de maladies inflammatoires chroniques comme l’asthme ou l’eczéma? Pourquoi l’exposition à certaines bactéries semble-t-elle réduire la prédisposition à ces maladies? Pendant des années, le Dr Kelly McNagny, de l’Université de la Colombie-Britannique, a cherché des réponses en étudiant comment le microbiome – les billions de microorganismes vivant principalement dans le tube digestif – influence la santé.

En 2012, le Dr McNagny et ses collègues ont constaté que les modifications du microbiome tôt dans la vie induisent des réactions inflammatoires. Le lien de cause à effet est resté mystérieux jusqu’à la découverte des cellules lymphoïdes innées, un type particulier de cellules immunitaires qui réagissent à des facteurs environnementaux et qui s’installent dans les tissus durant les premières années de vie. Afin de vérifier le lien entre ces cellules, le microbiome et la prédisposition aux maladies inflammatoires chroniques, le Dr McNagny et son équipe ont entrepris des essais sur des animaux.

De 2017 à 2024, ils ont ainsi découvert que des bactéries protectrices présentes dans le microbiome des souris nouveau-nées produisent du butyrate, un composé chimique assurant la régulation des cellules lymphoïdes innées. Lorsque les souris ont reçu un antibiotique qui a perturbé leur microbiome, ces cellules sont devenues hyperactives, causant une inflammation à long terme des poumons. La bonne nouvelle? Les chercheurs ont pu réduire l’inflammation en administrant un supplément de butyrate à peu près en même temps que l’antibiotique.

En révélant la contribution indirecte de l’exposition précoce aux bactéries – par l’accouchement vaginal, l’allaitement maternel, le contact avec les frères et sœurs ou la vie en milieu agricole – au développement du système immunitaire, ces études nous amènent à porter un autre regard sur les maladies inflammatoires chroniques. Comme l’explique le Dr McNagny : « Si le microbiome n’est pas sain dès le départ, les cellules lymphoïdes innées peuvent devenir hypersensibles et demeurer hyperactives pour la vie entière. »

Ces découvertes viennent également remettre en question l’utilisation excessive des antibiotiques chez les bébés et les jeunes enfants. Il faudra poursuivre les recherches afin d’identifier les bactéries protectrices présentes dans le microbiome et de mettre au point des traitements antibiotiques ciblés. Le message du Dr McNagny est clair : « Les médecins pourraient s’appuyer sur de futurs résultats de recherche pour prescrire des antibiotiques qui combattent les infections bactériennes sans pour autant altérer le microbiome des nouveau-nés. »

Le Dr McNagny collabore actuellement à l’étude de cohorte CHILD (en anglais seulement), qui porte sur 3 500 enfants canadiens et leurs familles, afin de mieux comprendre quand les cellules lymphoïdes innées sont le plus actives chez les enfants et de déterminer le meilleur moment pour intervenir médicalement.

Il est peut-être encore trop tôt pour tirer des conclusions quant à l’incidence des modifications du microbiome de l’enfant sur le développement de maladies chroniques. S’il y a une chose qui est certaine, c’est que les travaux du Dr McNagny offrent des pistes concrètes pour mener une vie saine : « Nous devons porter davantage attention à l’alimentation et à l’exposition aux microorganismes en début de vie afin de prévenir le développement de maladies chroniques à l’âge adulte. »

En bref

L’enjeu

Depuis plusieurs décennies, les chercheurs pensent que le microbiome agit sur le système immunitaire, rendant certaines personnes plus vulnérables que d’autres aux maladies inflammatoires chroniques.

La recherche

Grâce à trois études réalisées sur des souris, le Dr Kelly McNagny a découvert que certaines bactéries du microbiome aident à réguler des cellules immunitaires spéciales qui s’installent dans les tissus après la naissance. Toutefois, lorsque le microbiome est perturbé par des antibiotiques tôt dans la vie, ces cellules deviennent hyperactives de façon permanente et peuvent causer de l’inflammation à long terme.

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