Atelier RISING SUN du Conseil de l'Arctique
Reducing the Incidence of Suicide in Indigenous Groups – Strengths United Through Networks

Les 1er et 2 mars 2017
Iqaluit, Nunavut

Rapport sommaire

Sommaire

Inuksuk, Iqaluit, Nunavut

Les 1er et 2 mars 2017, le Conseil circumpolaire inuit (CCI), l'organisme Inuit Tapiriit Kanatami (ITK) et les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) ont organisé, avec le soutien d'Affaires autochtones et du Nord Canada (AANC), le troisième d'une série d'ateliers de concertation sous l'égide du Groupe de travail sur le développement durable du Conseil de l'Arctique durant la présidence américaine 2015-2017, portant sur des moyens efficaces de prévenir le suicide chez les Autochtones de la région circumpolaire. L'événement a réuni plus de 80 intervenants des États de l'Arctique, y compris des chercheurs, des responsables des politiques, des organismes participants permanents, des jeunes et des dirigeants communautaires.

Un des objectifs de l'atelier était de permettre aux délégués des communautés du Canada et d'ailleurs dans le monde de revoir leur compréhension des déterminants du suicide dans l'Arctique et de réfléchir aux activités de collecte de données et aux stratégies de prévention du suicide des cinq dernières années dans tout l'Arctique. Voici les principaux thèmes ressortis des échanges :

  • la nécessité de reconnaître l'impact de la colonisation et les effets des changements rapides des deux dernières décennies sur le bien-être psychologique et le suicide;
  • les variations importantes du taux de suicide d'une communauté à l'autre, même à l'intérieur d'une même entité administrative, et l'importance de comprendre les causes profondes de cette résilience variable;
  • les stratégies de prévention efficaces doivent être réalisées à l'échelle communautaire (solutions du Nord pour les problèmes du Nord) et devraient intégrer les systèmes de connaissances autochtones;
  • l'importance de faire participer les jeunes à l'élaboration des solutions, pour ainsi approfondir leurs liens avec la terre, les Aînés et la culture;
  • la nécessité de passer de l'intention à l'action, et de l'action à l'impact.

Un autre objectif consistait à faire le point et à obtenir de la rétroaction sur l'initiative RISING SUN (Reducing the Incidence of Suicide in Indigenous Groups – Strengths United through Networks), élaborée durant la présidence américaine. RISING SUN visait à établir par consensus un ensemble commun de résultats communautaires pour aider les travailleurs de la santé dans différents systèmes à mieux servir leur communauté , tout en aidant les responsables des politiques à mesurer les progrès ainsi qu'à surveiller la mise en œuvre des interventions de prévention du suicide et à cerner les obstacles à leur mise en œuvre au niveau local. Les participants ont examiné comment l'initiative complète des stratégies essentielles telles que la Stratégie nationale de prévention du suicide chez les Inuits [non disponible en français] d'ITK. L'atelier a aussi servi de tribune pour discuter des activités de suivi possibles du Conseil de l'Arctique sous la présidence de la Finlande de 2017 à 2019. 

Objectifs

L'atelier comportait deux objectifs distincts. Le premier était de permettre aux délégués de revoir leur compréhension des déterminants du suicide dans l'Arctique et de réfléchir aux activités de collecte de données et aux stratégies de prévention du suicide des cinq dernières années.

Le deuxième objectif consistait à établir un format et une stratégie de dissémination qui maximiseront les possibilités de collaboration pour la mise en œuvre de la trousse RISING SUN , en tenant compte des activités liées au développement de la résilience et à la prévention du suicide en cours dans les pays du Conseil de l'Arctique. On visait aussi à déterminer la voie à suivre pour les prochaines activités du Conseil de l'Arctique sous la présidence de la Finlande (2017-2019).

Cérémonie d’ouverture – allumage du qulliq

Allocutions d'ouverture et discours principal

Okalik Eegeesiak, Conseil circumpolaire inuit (CCI); l'honorable George Hickes, ministre de la Santé du Nunavut; Alison LeClaire, haute représentante du Canada pour l'Arctique; Pamela Collins, National Institutes of Health; conférencier principal, Natan Obed d'Inuit Tapiriit Kanatami

De gauche à droite : Alison LeClaire, haute représentante du Canada pour l’Arctique, Mary Ashoona Bergin, coordonnatrice de la planification intersectorielle, gouvernement du Nunavut, Michel Perron, vice-président directeur,  Instituts de recherche en santé du Canada & Okalik Eegeesiak, présidente du Conseil circumpolaire inuit (CCI)

« C'est le temps de passer à l'action, et de s'habiller chaudement. »

L'honorable George Hickes, ministre de la Santé du Nunavut

Le bien-être psychologique et la prévention du suicide sont ressortis comme des enjeux importants dans les allocutions d'ouverture prononcées par des délégués clés, qui ont présenté non seulement des statistiques troublantes, mais ont aussi parlé des drames humains qui se cachent derrière ces chiffres. L'impact du colonialisme a aussi été reconnu, tout comme les changements rapides qui se produisent dans l'Arctique. Même si le sujet n'est pas facile à aborder, les conférenciers ont indiqué que les défis liés à l'amélioration de la santé mentale et à la prévention du suicide doivent faire l'objet de discussions afin de promouvoir la collaboration dans la recherche de solutions.

Ils ont concédé que des progrès ont été faits, par exemple l'affectation de ressources et de personnel, la création de stratégies de prévention et la volonté d'évoluer vers une approche coordonnée aux niveaux national et international. On a souligné la nécessité d'approches couvrant tous les stades de la vie et d'interventions multiniveaux, compte tenu de la complexité des facteurs de risque de suicide et de leur niveau variable. Il est nécessaire d'avoir des études et des programmes dirigés par des Autochtones, fondés sur des données probantes solides de source autochtone, y compris de source non écrite. Malgré leur optimisme, les conférenciers ont noté qu'il était essentiel d'accomplir des progrès et de démontrer un impact.

Le discours principal prononcé par Natan Obed, président d'ITK, a continué d'alimenter le dialogue sur ce thème et a débuté par une reconnaissance de l'importance de la continuité communautaire et culturelle. Une vidéo traitant de la Stratégie nationale de prévention du suicide chez les Inuits a désigné le suicide comme « une crise de santé publique évitable qui exige une intervention de niveau national ».Footnote 1 Les disparités en santé chez les populations du Nord trouvent leur origine dans la colonisation des communautés inuites et autochtones et ont mené à des problèmes de santé physique et mentale et à l'impuissance des services publics à surmonter ces réalités. Pour que le changement se concrétise, une volonté politique réelle est nécessaire et, comme il a été noté, la « sympathie n'est pas suffisante à ce niveau. » Les élus doivent être responsabilisés par rapport à cet enjeu important.

Retour sur les données obtenues et les progrès accomplis depuis cinq ans

Christina Larsen, Université du Sud du Danemark; Alain Beaudet, IRSC; Natan Obed, ITK; Jon Petter Stoor, conseil consultatif norvégien sur la santé des Samis

De gauche à droite : Alain Beaudet, président sortant des Instituts de recherche en santé du Canada, Natan Obed, président d’Inuit Tapiriit Kanatami & Jon Petter Stoor, conseil consultatif national sami de Norvège

Les panélistes ont parlé des progrès accomplis depuis la conférence de Nuuk en 2009, notamment la création de stratégies de prévention du suicide pour le Groenland,Footnote 2 pour les Inuits du CanadaFootnote 3 et les Samis de la Norvège et de la Suède. Les conférenciers ont résumé les éléments clés des stratégies et les efforts qui ont mené à leur création.

Bien qu'uniques à leur environnement et à leur population, les différentes stratégies avaient plusieurs points en commun, ce qui démontre encore le besoin d'une solution collective circumpolaire à ce problème. Toutes les stratégies ont tenu compte des défis liés à la mise en œuvre de grandes ambitions à l'échelle locale. L'efficacité et la clarté de la coordination et des communications entre les autorités locales a été désigné comme une priorité. Toutes les stratégies ont reconnu les séquelles de la colonisation et les changements rapides des deux dernières décennies comme des facteurs de risque importants.   

Les conférenciers ont aussi souligné les variations importantes du taux de suicide d'une collectivité à l'autre, voire à l'intérieur d'une même entité administrative, et ont insisté sur l'importance de comprendre les causes profondes de cette résilience variable. Bien que certaines des différences s'expliquent probablement par des facteurs socioéconomiques, d'autres facteurs environnementaux et contextuels sont en cause. Pour être fructueuses, les stratégies de prévention doivent être adaptées aux Autochtones et réalisées à l'échelle communautaire (solutions du Nord pour les problèmes du Nord) et devraient intégrer les systèmes de connaissances autochtones. Tous les conférenciers ont admis qu'il n'existe pas d'approche universelle pour surmonter ce défi. Les stratégies ont été présentées comme des approches communes permettant aux collectivités d'unir leurs efforts tout en laissant place aux variations locales. Les conférenciers ont exprimé un optimisme prudent quant à ce qui est réalisable collectivement dans l'avenir.

Perspective de recherche - succès et lacunes observés

Brian Mishara, Université du Québec à Montréal; Allison Crawford, Université de Toronto; Stacy Rasmus, Université de Fairbanks (Alaska); Gwen Healey, Centre de recherche en santé Qaujigiartiit

De gauche à droite : Brian Mishara, Professeur, Université du Québec à Montréal, Alison Crawford, directrice médicale, programme d’extension et télépsychiatrie, Université de Toronto, Stacy Rasmus, professeure associée de recherche, Université de l’Alaska de Fairbanks & Gwen Healey, Directrice exécutive et scientifique du Centre de recherche en santé de Qaujigiartiit, Iqaluit

Les conférenciers et les autres délégués ont convenu qu'il existe des exemples de programmes inspirants fondés sur les connaissances et les forces communautaires et soutenus par des initiatives de recherche locales. Les données probantes appuyant la direction communautaire des interventions sont de plus en plus nombreuses. On a reconnu l'existence de solutions non autochtones pouvant s'adapter aux besoins, à la culture, à la langue et au contexte autochtones. Cependant, les panélistes ont aussi relevé des défis. Par exemple, il est souvent difficile d'innover en recherche, car le succès dépend des réalisations antérieures.

On a mentionné d'autres défis relatifs à l'investissement en temps nécessaire pour concevoir des méthodes qui pourront évoluer et dont les utilisateurs ne pourraient avoir qu'une connaissance partielle au début, en soulignant le besoin de créer des processus de sélection itératifs. L'autodétermination en recherche est un long processus, et il existe peu d'indicateurs pour vérifier les impacts d'interventions misant sur les forces et reposant sur des concepts autochtones. La viabilité de certains efforts communautaires pose aussi problème et limite notre compréhension des impacts à long terme des interventions. D'autres barrières ont aussi été mentionnées, y compris les changements de priorités des différents paliers de gouvernement ainsi que le manque de sensibilité socioculturelle des fournisseurs de services, des chercheurs et des « portiers », c'est-à-dire les personnes ayant le pouvoir d'ouvrir ou de fermer des portes.

Parallèlement à ces défis, les panélistes ont mis en lumière des tendances intéressantes. Le changement de paradigme en cours dans le milieu de la recherche a été souligné, c'est-à-dire le nombre grandissant de chercheurs conscients de la valeur des perspectives communautaires et des systèmes de connaissances autochtones. Les panélistes se sont aussi attardés au concept de résilience, qui dépasse la simple détermination des facteurs de risque ou de protection. Ils ont souligné l'importance de trouver un langage commun. Bien qu'il existe des « portiers », il existe aussi dans les communautés des champions de la santé mentale (y compris des jeunes), des forces et des connaissances qui peuvent servir de fondements à des solutions communautaires et à l'autodétermination en recherche.  

Témoignages de jeunes et de communautés

Becky Kilabuk, représentante des jeunes; Joanasie Akumalik, dirigeant communautaire

Becky Kilabuk, Coordonnatrice régionale des programmes pour les jeunes, Association Inuit Qikiqtani

Des témoignages importants livrés par des jeunes et des communautés ont fait le trait d'union entre la fin de la première journée et le début de la deuxième. Les problèmes d'identité des jeunes et leur sentiment d'acculturation sont ressortis comme un thème important. Par analogie avec la santé mentale, les Inuits apprennent dès leur jeune âge que lorsqu'il fait froid, il faut chercher un refuge ou s'en construire un. Les jeunes qui souffrent savent-ils où trouver un refuge, ou sont-ils capables d'en construire un? L'idée que les jeunes sont apathiques ou désintéressés est un mythe. Mais les jeunes ne comprennent pas toujours la valeur et le pouvoir des connaissances traditionnelles.

Les barrières linguistiques et le sentiment de déconnexion des Aînés dans un monde qui change rapidement ont été désignés comme des défis. Certains jeunes en difficulté ont l'impression « d'être incapables d'arracher les pages sombres du livre de leur vie – mais de pouvoir jeter le livre au complet ». Mme Kilabuk a parlé du sentiment de solitude qui peut habiter les jeunes incapables de créer des liens avec la génération précédente et mal à l'aise d'extérioriser leur combat intérieur. Cependant, la communauté doit tenter d'aider les jeunes à comprendre la valeur des connaissances inuites traditionnelles et à ressentir la fierté d'être Inuit. Les jeunes chercheront alors des occasions de créer ces liens.

Joanasie Akumalik, dirigeant communautaire

Trop souvent, les jeunes et les autres membres des communautés parlent de la singularité de la culture inuite au passé – or il faut insister sur l'importance de la culture pour leur identité actuelle. Partageant son expérience du suicide de son fils, Joanasie a déclaré qu'au-delà des stratégies existantes, c'est d'action dont nous avons besoin : « nous devons changer pour pouvoir avancer – nous devons faire ce changement, même si nous nous sentons maladroits » .

Perspective des organismes participants permanents du Conseil de l'Arctique

Wayne Walsh, Affaires autochtones et du Nord Canada – Modérateur; Minnie Grey, CCI; Ethel Blake, Gwich'in Council International (GCI); Per Jonas Partapuoli, conseil sami; Patricia Modeste – Arctic Athabaskan Association; Cody Chipp, Aleut International Association (par vidéoconférence)

De gauche à droite : Per Jonas Partapuoli – Conseil sami (CS), Minnie Grey – Conseil circumpolaire inuit (CCI), Patricia Modeste, Conseil athabaskan de l’Arctique (CAA) & Ethel Blake – Conseil international Gwich'in (CIG)

Les représentants des organismes participants permanents du Conseil de l'Arctique ont parlé de leurs contextes locaux, mais ont aussi désigné des thèmes communs importants. Les statistiques sur le suicide sont difficiles à surveiller dans beaucoup de communautés en raison de leur faible population. On a réaffirmé que le problème du suicide est apparu au cours des dernières décennies lorsque les gens ont commencé à ressentir les effets du traumatisme intergénérationnel de la colonisation. Mais il est important de prendre la parole, de regarder ce qui se passe dans les communautés et de faire comprendre aux jeunes et aux Aînés qu'il est à la fois acceptable et nécessaire de parler des problèmes.

Un autre défi important découle de la situation politique dans certains pays et du manque d'autonomie dans la gestion du territoire et de l'eau. Pour combattre la maladie mentale à sa source, les communautés doivent avoir voix au chapitre sur les questions touchant le territoire et les ressources en eau, faute de quoi elles perdront le contrôle de leur vie. Cela couvre tous les aspects : l'éducation, la culture et la langue.

Sans respect des droits de la personne, il ne saurait y avoir de bien-être psychologique, et toutes les trousses à outils et autres stratégies de santé mentale seront d'une faible utilité. Les communautés travaillent à créer des milieux de vie plus sain, mais cela n'arrivera pas du jour au lendemain. On ne peut espérer vaincre le suicide par quelques poignées de dollars. Il est nécessaire d'y consacrer du financement à long terme en ciblant particulièrement les jeunes, l'aide aux parents, ainsi que le renforcement de l'identité culturelle.

D'autres défis ont été abordés, y compris la stigmatisation des personnes recevant des services de santé mentale (en particulier dans les petites communautés), le recrutement et la rétention de personnel, les changements climatiques – touchant l'écologie, les moyens de subsistance (p. ex. stocks de poisson) – et les changements démographiques, notamment l'exode des jeunes vers les villes pour le travail et les études. Par ailleurs, certaines possibilités ont été mentionnées, comme les programmes d'éducation et de formation axés sur la revitalisation culturelle, la mobilisation des communautés pour la prévention (p. ex. de la violence familiale, des toxicomanies, du suicide) et les camps d'immersion culturelle. Ce sont les communautés qui sont les mieux en mesure de prévenir le suicide et de promouvoir le bien-être psychologique, et la participation et le leadership autochtones doivent être au cœur des efforts.

Le point sur l'initiative RISING SUN

Pamela Collins, NIH; Jon Petter Stoor, conseil consultatif norvégien sur la santé des Samis; Stacy Rasmus, Université de Fairbanks (Alaska); Charlene Apok, Fondation Southcentral; Roberto Delgado, Institut national de la santé mentale; Kimberly Fairman, Institut de recherche en santé circumpolaire

RISING SUN compile un ensemble commun de résultats et de mesures scientifiques pour évaluer les principales corrélations à l'égard des interventions de prévention du suicide pour les États de l'Arctique. Les résultats communs et leurs indicateurs, établis selon un processus itératif faisant intervenir les organismes participants permanents, des dirigeants communautaires et des experts en santé mentale, faciliteront l'échange, le regroupement, l'évaluation et l'interprétation des données liées aux interventions pour tous les systèmes de santé.

Ces résultats, établis par consensus et classés par ordre de priorité, permettront aux travailleurs de la santé de mieux servir leur communauté et aideront les responsables des politiques à mesurer les progrès, à évaluer l'expansion des interventions et à déterminer les obstacles culturels et régionaux à leur mise en œuvre. L'établissement de mesures et de systèmes de rapports communs revêt un caractère particulièrement important en Arctique, où l'étendue du territoire, le nombre de communautés éloignées et la diversité culturelle nuisent aux approches systématiques de prévention du suicide. La trousse à outils découlant de ce projet rassemblera des mesures et des résultats communs en matière de prévention du suicide, ce qui pourrait améliorer la capacité de l'ensemble des États d'évaluer l'efficacité des interventions factuelles de lutte contre le suicide. Une fois prête, la trousse à outils deviendra une ressource en ligne.

Des activités complémentaires à la création de la trousse à outils ont également eu lieu, notamment des groupes de discussion dans les Territoire du Nord-Ouest avec des jeunes, des Aînés, des guérisseurs et des fournisseurs de services, dont certains ont partagé leurs expériences par des récits et des histoires vécues. Les faits saillants des discussions ont inclus l'importance d'avoir une compréhension commune et un langage commun, l'importance de la culture, les défis des jeunes d'aujourd'hui et le manque de contacts avec les Aînés. Le groupe de discussion comme tel a été vu comme un mécanisme d'expression et de guérison. Les points de vue exprimés ont corroboré des conclusions d'études antérieures et des points soulevés lors d'ateliers précédents du Conseil de l'Arctique, et serviront à guider l'initiative RISING SUN.

D'autres activités de prise de contact avec des jeunes, des Aînés et d'autres représentants communautaires ont eu lieu en Alaska dans le cadre du congrès annuel de l'Alaskan Federation of Natives, où on a demandé aux participants de désigner des résultats pertinents pour RISING SUN. Les interventions précoces visant la dépression, l'anxiété, la consommation de drogue et la violence sont arrivées au premier rang. Une analyse factorielle a également été effectuée pour déterminer quels genres d'éléments pouvaient être regroupés, ce qui a mené à l'établissement de trois dimensions : 1) – regroupement des éléments cliniques et communautaires (continuité culturelle dans les soins); 2) – liens entre les relations (développement du sentiment d'appartenance des jeunes); 3) – relations et soutiens sociaux.

Ce travail a été complété par des entretiens avec des Aînés, des jeunes et des chefs tribaux au sujet des mesures prises pour favoriser la santé des jeunes. Les principaux thèmes ressortis ont couvert les relations avec la terre et l'eau (par des valeurs associées à des lieux), avec l'histoire et le passé, et avec les systèmes de connaissances, de même que la place de l'individu dans la communauté et les relations intergénérationnelles. Les témoignages partagés courageusement avec beaucoup d'émotion devaient être traités avec le plus grand respect. C'est une grande responsabilité d'être dépositaire de connaissances partagées par la communauté.

Pour la suite des choses, il a été noté que les National Institute of Health (NIH) poursuivront leurs efforts visant à se doter d'une plateforme d'hébergement Web qui permettra de diffuser la documentation de RISING SUN à un vaste auditoire.

Les représentants des NIH ont aussi noté que la trousse, une fois complétée, sera partagée avec les communautés ayant participé au projet, y compris les délégués de l'atelier final.

Séances en sous-groupes axées sur les résultats prioritaires de RISING SUN

Sous-groupe de participants

Les délégués ont été divisés en sous-groupes formés de sorte à mélanger les bagages d'expérience et les régions géographiques afin de contribuer à la richesse des discussions. On a demandé à chaque sous-groupe de réfléchir à des résultats de RISING SUN et de désigner des priorités clés à la fois mesurables et réalisables à divers niveaux (c.-à-d. communautaire, régional/national et circumpolaire). Les délégués ont reçu une liste de questions visant à les aider à structurer leurs réponses :

  1. Quelles sont les possibilités clés pouvant contribuer à l'application efficace des résultats de RISING SUN pour évaluer les activités existantes dans votre région?
  2. Quels sont les plus grandes difficultés liées à l'application des résultats de RISING SUN pour évaluer les activités existantes dans votre région?
  3. Quelles autres connaissances sont nécessaires à l'application des résultats de RISING SUN pour évaluer les activités existantes dans votre région?
  4. Quelles autres solutions sont nécessaires afin de surmonter les obstacles à l'application efficace des résultats de RISING SUN pour les activités existantes dans votre région?

Au terme de leurs discussions, les groupes ont été priés de faire rapport de leurs conclusions :

Sous-groupe 1 – Ce sous-groupe a noté que malgré les nombreux organismes autochtones qui ont été créés, peu de progrès tangibles ont été accomplis. Les communautés ont exprimé le besoin d'une identité culturelle positive, d'une plus grande promotion des connaissances autochtones et inuites, et de formation linguistique. Les projets doivent être viables et financés à long terme, et non perçus comme temporaires. Malheureusement, les communautés et les programmes doivent se faire concurrence pour les fonds disponibles. De plus, les programmes doivent être fondés sur des initiatives ayant prouvé leur efficacité et pouvant se transposer à grande échelle, plutôt que sur des chiffres et des statistiques. Enfin, il faut stimuler la recherche sur la revitalisation et la décolonisation.

Sous-groupe 2 – Les discussions ont porté sur l'autogestion de la santé et les travailleurs de première ligne. Les communautés ont besoin d'appui pour se respecter et créer des endroits où l'employeur est respectueux de leur combat. Il faut plus de ressources humaines et financières pour continuer de créer et de soutenir les programmes culturels efficaces. Il faut soutenir les jeunes et créer des emplois. L'impact des bénévoles est limité sans soutien adéquat.

Sous-groupe 3 – Ce sous-groupe a indiqué que le plus important pour l'avenir immédiat est de reconnaître et d'appliquer les systèmes de connaissances autochtones. Les participants ont discuté des cadres de connaissance existants qui sont sous-utilisés ou incomplètement mis en œuvre/appliqués. Les priorités au niveau communautaire consistent à défendre les solutions qui fonctionnent (car ce sont les communautés qui sont les mieux placées pour le savoir), à libérer les forces vives, à respecter la valeur des éponymes et à agir en conséquence. Aux niveaux national et régional, les systèmes de connaissances partagés par différentes communautés doivent être appliqués à ces communautés, et les organismes autochtones doivent être autogérés. Le financement à long terme a été désigné comme primordial. La transparence des communications et la désignation d'une journée de célébration de la déesse de la mer ont aussi été désignées comme des priorités.

Sous-groupe 4 – Ce sous-groupe a conclu que la priorité la plus importante au niveau communautaire était de revendiquer des ressources pour assurer la viabilité des programmes efficaces. Au niveau régional, les plus importantes priorités désignées ont été le changement systémique, l'amélioration des pratiques d'embauche, la poursuite de la mise en œuvre de la Stratégie nationale de prévention du suicide chez les Inuits et la capacité des différentes États à unir leurs voix. Un des éléments essentiels consiste à s'assurer que l'accès aux ressources repose sur les besoins plutôt que sur les priorités institutionnelles.

Sous-groupe 5 – Ce sous-groupe en est venu à la conclusion que la poursuite des progrès ne devrait pas dépendre seulement des services de santé mentale, mais devrait aussi inclure d'autres acteurs pouvant enrichir le côté humain. Une question demeure sans réponse : qui exactement devrait recevoir de l'aide et du soutien? Les proches d'une personne suicidaire ont aussi besoin d'aide. Au niveau régional et circumpolaire, les interventions et les programmes systématiques pourraient être coordonnés afin qu'il ne soit pas nécessaire de constamment réinventer la roue.

Sous-groupes 6 et 8 (sous-groupe fusionné) – Au niveau communautaire, ce sous-groupe a conclu qu'il était important d'encourager l'autodétermination en ciblant des communautés particulières de manière pertinente pour ces communautés. Pour surmonter les problèmes du suicide et du mal-être, il est essentiel d'en parler et de sensibiliser les gens au bien-être psychologique. Le financement à long terme et la concertation des projets et des efforts de recherche a été un autre élément désigné comme prioritaire.

Sous-groupe 7 – Une des priorités désignées par le sous-groupe a été le renforcement des réseaux pour améliorer le partage de l'information et rendre les connaissances existantes accessibles, en particulier aux jeunes. La promotion des réseaux et des outils comme Facebook est extrêmement efficace dans certaines communautés et constitue un élément clé à exploiter. De plus, le mentorat et l'emploi sont des aspects complexes qui requièrent une approche holistique à long terme.

Sous-groupe 9 – Au niveau communautaire, ce sous-groupe a conclu que les priorités devraient être axées sur la santé des hommes, la hausse de la participation des communautés aux réseaux et aux programmes sociaux, notamment en lien avec l'éducation des enfants. Au niveau régional, la compétence culturelle a été désignée comme un élément clé pour réduire les disparités sociales et la discrimination systémique. Au niveau circumpolaire, le sous-groupe a souligné le besoin de renforcer et de reconnaître les groupes autochtones et leurs droits. Les stratégies de communication doivent aussi être améliorées, et la volonté politique doit être convertie en actions.

Sous-groupe 10 – Ce sous-groupe en est venu à la conclusion que les programmes doivent être axés sur la culture inuite. Les Aînés doivent recevoir les outils nécessaires pour pouvoir partager cet important savoir avec les jeunes. Des gens spécialement formés devraient les aider à développer les compétences nécessaires pour partager leur savoir. Les outils d'évaluation doivent être accessibles en ligne pour faciliter la communication et l'uniformisation de l'information. La durabilité du financement a aussi été désignée comme essentielle au succès des initiatives de prévention du suicide.

Prochaines étapes

Natan Obed, président d’Inuit Tapiriit Kanatami; Okalik Eegeesiak, présidente du Conseil circumpolaire inuit; Heidi Anita Ericksen, Centre de soins de santé d’Utsjok; Alison LeClaire, haute représentante du Canada pour l’Arctique

Natan Obed, président d’Inuit Tapiriit Kanatami
Heidi Anita Ericksen, Centre de soins de santé d’Utsjoki, Finlande

Durant leur mot de clôture, les conférenciers ont noté que malgré l'empathie collective et la compréhension mutuelle, il est nécessaire d'être pragmatique. Le suicide est un sujet tabou, car cela touche tout le monde personnellement, même les décideurs de haut niveau. Cela rend difficile d'envisager le suicide dans une perspective stratégique et scientifique. Il existe aussi des lacunes dans le système de santé mentale que les gouvernements tardent à corriger. Pour voir un impact réel, nous devons tenir cette conversation sans égard aux barrières systémiques, et tous les acteurs doivent voir la situation d'ensemble qui existe au-delà de leurs responsabilités individuelles.

« Connaître un jeune avant qu'il se connaisse lui-même » est une manière de définir la prévention. Nous avons besoin d'un changement de paradigme qui débouchera sur la valorisation du consensus. Le consensus peut être un outil d'inclusion, mais il peut aussi faire obstacle au progrès réel si on n'y prend pas garde. C'est pourquoi les communautés autochtones doivent aspirer à davantage que créer un consensus sur les causes et assurer la compréhension du défi – le temps est venu de reconstruire, de ré-énergiser et de libérer les forces vives avec un financement durable.

Au nom de la présidence finlandaise qui débutera bientôt, Heidi A. Ericksen s'est engagée à poursuivre le travail accompli sous la présidence américaine dans le domaine de la prévention du suicide et de la promotion du bien-être psychologique, ce qui est porteur d'espoir. Une conférence est prévue à la fin de 2018 pour discuter de l'application de pratiques prometteuses.  

« Nous imaginons un Arctique où nos jeunes réalisent leur plein potentiel. Le chemin à parcourir sera semé d'embûches, mais la plupart des choses importantes ne s'obtiennent pas facilement. »

Okalik Egeesiak, présidente du Conseil circumpolaire inuit
Participants à l’atelier
Participants à l’atelier

Remerciements

Initiative du Groupe de travail sur le développement durable du Conseil de l'Arctique, l'atelier RISING SUN est organisé par le gouvernement du Nunavut, le gouvernement du Canada et le Conseil circumpolaire inuit, en partenariat avec les États du Conseil de l'Arctique qui codirigent l'initiative globale : la Norvège, le Royaume du Danemark, les États-Unis et le Canada. Les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) désirent remercier les organismes suivants pour leur soutien et leur collaboration à cette activité de la présidence américaine du Conseil de l'Arctique :

Organisateurs

Partenaires

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