Assurer un avenir sain aux enfants canadiens au lendemain de la COVID-19
Les chercheurs et cliniciens de l’OPES analysent des données susceptibles de contribuer à atténuer les conséquences négatives à court et à long terme de la pandémie
En bref
Enjeu
La pandémie de COVID-19 a perturbé le cycle d'apprentissage de nombreux enfants du fait de la fermeture des écoles et du passage à l'apprentissage en ligne. Elle a également eu un effet négatif sur leur santé mentale et leur bien-être.
Recherche
En examinant les statistiques recueillies à partir d'enquêtes dans des bases de données administratives et de recherche, les chercheurs et cliniciens de l'Observatoire pour l'éducation et la santé des enfants (OPES) ont constaté que la pandémie a entraîné des pertes d'apprentissage de 2 à 3 mois chez la plupart des enfants et de 6 à 7 mois chez les enfants qui évoluent dans des conditions socioéconomiques défavorables. Ces pertes pourraient avoir un impact à long terme sur les résultats scolaires et les perspectives de carrière chez ces enfants. Elles pourraient même s'avérer néfastes pour l'économie canadienne.
Impact
Les constatations de la recherche de l'OPES serviront à élaborer des stratégies pour atténuer les effets des futures pandémies sur les enfants et les jeunes.
Lecture connexe
La pandémie de COVID-19 a contraint les écoles à fermer leurs portes, a désorganisé la routine des classes et a obligé les élèves à s'adapter à l'apprentissage en ligne depuis leur domicile. Les chercheurs de l'Observatoire pour l'éducation et la santé des enfants (OPES) ont constaté que ces changements ont occasionné des pertes d'apprentissage pour de nombreux élèves tout en affectant leur santé mentale et leur bien-être. Des impacts risquent également de se faire sentir sur les résultats scolaires à long terme et les perspectives de carrière.
La Dre Sylvana Côté, professeure titulaire à l'Université de Montréal et chercheuse financée par les IRSC au CHU Sainte-Justine, a créé l'OPES, un centre de collaboration où 41 chercheurs et cliniciens s'emploient à analyser les conséquences à court et à long terme de la pandémie de COVID-19 sur les enfants au moyen de grands échantillons représentatifs et de données administratives dans le but de dégager des stratégies qui favoriseront le rétablissement des Canadiens au terme de la pandémie.
« L'OPES est une infrastructure organisée et avant-gardiste pour la recherche et l'innovation permettant aux chercheurs et aux décideurs d'œuvrer de pair afin de minimiser l'impact de la COVID-19 sur l'éducation, la santé, le développement psychosocial et les résultats économiques des enfants », explique la Dre Côté.
Des solutions au moyen de l'analyse des données
Par l'analyse de statistiques recueillies à partir d'enquêtes dans des bases de données administratives et de recherche, les chercheurs de l'OPES sont résolument convaincus qu'ils pourront aider les chercheurs, les cliniciens et les responsables des politiques à élaborer des solutions à court et à long terme aux problèmes causés par la COVID-19.
Par exemple, les chercheurs de l'OPES ont collaboré avec la Dre Kathy Georgiades de l'Université McMaster pour actualiser l'Enquête canadienne sur la santé des enfants et des jeunes de 2019, financée par les IRSC et comprenant des statistiques sur la santé et le bien-être de 26 870 enfants (âgés de 1 à 17 ans). Au moyen d'une enquête de suivi auprès de ces mêmes sujets, âgés aujourd'hui de 4 à 20 ans, les chercheurs surveilleront les changements à long terme en matière de santé parmi des sous-groupes de population et des communautés spécifiques avant et après la pandémie. Les responsables des politiques et les prestataires de services auront ainsi accès à des données probantes de qualité pour l'affectation des ressources, les approches d'intervention universelles et ciblées et les stratégies d'atténuation des risques pour les Canadiens lors de futures pandémies.
« Nous devons évaluer ceux et celles qui subiront le plus de conséquences à long terme », déclare la Dre Côté. « Alors que les retards d'apprentissage varient de 2 à 3 mois pour la plupart des enfants, ils sont de l'ordre de 6 à 7 mois pour les enfants évoluant dans des conditions socioéconomiques défavorables. Il importe d'évaluer cette disparité, car l'éducation est un facteur prédictif important des problèmes de santé physique et mentale. »
Ces conséquences néfastes font l'objet d'autres études menées par les chercheurs et les cliniciens de l'OPES.
Des pertes d'apprentissage potentiellement lourdes de conséquences économiques à long terme
Les répercussions mentales et physiques de la pandémie de COVID-19 sur la santé et le développement cognitif des enfants peuvent également entraîner des retombées négatives à long terme sur l'économie canadienne. Prenons l'exemple de la recherche menée par la Dre Catherine Haeck, codirectrice de l'OPES et professeure titulaire au département d'économie de l'Université du Québec à Montréal.
« Si la perspective qu'ils obtiennent un emploi plus tard ne m'inquiète pas, ce sont les problèmes d'apprentissage actuels des enfants qui me préoccupent », affirme-t-elle. « En collaboration avec le ministère de l'Éducation du Québec, nous avons fait passer un test de lecture normalisé à plus de 14 000 élèves de 4e année en juin 2021, alors que tous les examens officiels avaient été annulés. Par rapport aux résultats enregistrés en 2019, nous avons constaté qu'environ 80 % des participants avaient subi des pertes d'apprentissage. Ce résultat pourrait avoir un impact négatif sur leurs performances scolaires et pourrait même avoir une incidence sur l'économie canadienne à l'avenir. »
Des interventions sont cependant en cours afin de pallier cette éventualité.
« Ces enfants défavorisés pourront-ils rattraper leur retard? », s'interroge la Dre Haeck. « Alors que plusieurs provinces prennent des mesures pour offrir un soutien scolaire particulier aux enfants qui subissent des pertes d'apprentissage, il nous importe de déterminer si ces efforts font une différence dans la prévention du problème dans son ensemble. »
Une pandémie qui accentue les inégalités actuelles
Le Dr Nicholas Chadi, professeur adjoint d'enseignement clinique au Département de pédiatrie de la Faculté de médecine de l'Université de Montréal et pédiatre au CHU Sainte-Justine, s'attache à analyser les conséquences de la COVID-19 sur la santé mentale des adolescents, selon des données recueillies avant et durant la pandémie.
« J'examine si les évolutions constatées dans le nombre de visites de patients aux urgences de Montréal pour des problèmes de santé mentale pendant la pandémie s'expliquent par des différences de milieux socioéconomiques, de groupes d'âge ou de sexe, au cours de l'automne 2020 et de l'année 2021, par rapport aux années prépandémiques », explique-t-il. « Bien que j'aie remarqué une forte augmentation des demandes de services de santé de la part des jeunes en rapport avec le suicide, les troubles de l'alimentation, l'anxiété et les troubles liés à la toxicomanie, je cherche également à déterminer s'il existe une corrélation entre ces visites et les fortes vagues d'infections par le virus au Canada. »
De son point de vue, le Dr Chadi estime que ces résultats et d'autres constatations de l'OPES seront bénéfiques pour les jeunes de diverses manières.
« Nous nous attaquons vraiment à des déterminants de la santé de longue date », dit-il. « La COVID-19 a exacerbé les inégalités dans les soins de santé, l'accès à l'éducation et les disparités dans les résultats en matière de santé mentale. L'OPES nous permet de mettre en place divers types d'interventions exploitables en cas de pandémie, dans un souci d'améliorer globalement les mesures de santé publique et la santé des enfants. »
Favoriser un sain développement
La Dre Anne Monique Nuyt, professeure au Département de pédiatrie du CHU Sainte-Justine de l'Université de Montréal, rattache son analyse des problèmes cardiovasculaires aux effets de la COVID-19.
« Étant donné que mes études portent sur la façon dont les naissances prématurées sont associées à des risques accrus de maladies cardiovasculaires chez les enfants et les adultes », explique la Dre Nuyt, qui est également présidente du conseil consultatif de l'Institut du développement et de la santé des enfants et des adolescents des IRSC, « j'étudie les données relatives à la santé des enfants nés avant et après la survenue de la COVID-19 afin que nous puissions en comprendre l'impact sur leurs premières années et déterminer les mesures susceptibles de les aider à prévenir des problèmes de santé à l'âge adulte. »
Cette approche témoigne de la manière dont le traitement et la mise en relation des données liées à la recherche sur la COVID-19 pourraient être bénéfiques pour la santé des enfants.
« Ainsi, à long terme, l'OPES pourrait jouer un rôle de premier plan dans la prise de décisions éclairées en vue de renforcer la santé et le bien-être de la prochaine génération », déclare la Dre Nuyt.
L'OPES propose également des solutions au public au moyen de conseils visant à renforcer le soutien familial face au stress soudain des parents et des enfants que peut occasionner une pandémie, telle que la COVID-19.
« Les familles ont intérêt à être sensibilisées aux conseils qui concernent la nutrition, le temps d'écran, le sommeil et l'activité physique chez leurs enfants, et à tenter, même si cela pose un défi, de maintenir une routine permettant de poursuivre certaines de leurs activités habituelles », explique la Dre Côté. « Mais si le stress et les conflits persistent du fait que les enfants acceptent difficilement ces ajustements, les familles devraient aussi considérer la possibilité de solliciter un soutien professionnel. »
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