Séquencer l’avenir : Plan stratégique de l’institut de génétique 2022-2027
Engagement B : Améliorer le diagnostic et le traitement des maladies génétiques
Engagement B : Améliorer le diagnostic et le traitement des maladies génétiques
Les maladies rares constituent un problème de santé mondiale sous-estimé. En fait, malgré leur nom, les maladies rares sont loin d’être rares. Qui plus est, 85 % de ces maladies sont monogéniques, ce qui signifie que le défaut d’un seul gène est à l’origine de la maladie. Ce qui est vraiment alarmant, c’est que 1 enfant sur 25 naît avec une maladie héréditaire, et des études récentes ont montré que plus de la moitié de ces enfants n’atteindront pas l’âge adulte. On estime aussi qu’un lit d’hôpital pédiatrique sur trois est occupé par un enfant atteint d’une maladie héréditaire et que 5 à 10 % de tous les coûts d’hospitalisation (adultes et enfants) sont attribuables à une maladie dite rare. Il est de plus en plus clair que les maladies héréditaires sont la principale cause de mortalité et de morbidité chez les enfants au Canada.
Dans le discours du Trône de 2020, le gouvernement canadien a réitéré son engagement à l’égard d’une stratégie sur les maladies rares pour aider les familles au Canada à réaliser des économies sur les médicaments coûteux. Compte tenu du fardeau des maladies rares ainsi que des iniquités fondamentales auxquelles sont confrontés les patients et les proches aidants, le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a fait de ces maladies une priorité pour la conceptualisation et la mise en œuvre de la couverture sanitaire universelle. Il existe une obligation sur les plans médical, économique et des droits de la personne de répondre aux besoins non satisfaits des patients atteints d’une maladie rare.
Si les enfants ne sont pas comptés, ils ne comptent pas
Ce qui est regrettable, c’est que les enfants atteints d’une maladie rare ne sont actuellement pas pris en compte dans le système de santé, car les cas de maladie rare ne sont pas signalés dans les dossiers hospitaliers, provinciaux ou nationaux. Il est pratiquement impossible de déterminer la bonne quantité de ressources à affecter aux soins, aux médicaments et à la recherche pour les patients aux prises avec une maladie rare sans connaître les coûts directs et indirects pour le système de santé, ainsi que le fardeau socioéconomique et mental pour les patients et leur famille. Essentiellement, si ces enfants ne sont pas comptés, ils ne comptent pas. Exploiter la science de la mise en œuvre pour édifier un système qui saisit ces informations est essentiel à la résolution de ce problème de santé critique et à la répartition équitable des ressources de santé.
En outre, l’odyssée diagnostique est un fardeau multidimensionnel qui touche les personnes atteintes d’une maladie rare. Il faut en moyenne cinq ans pour qu’un cheminement clinique permette de diagnostiquer une maladie rare, à un coût moyen de 25 000 $, et avec deux ou trois diagnostics erronés avant d’arriver au diagnostic définitif. Cette odyssée, qui s’accompagne d’un isolement social, de l’absence de coordination des soins et de la détérioration possible de la santé mentale des enfants malades et de leur famille, est trop souvent la norme pour les personnes touchées. Heureusement, la génomique permet aujourd’hui de raccourcir cette odyssée, tout en réduisant les coûts et le nombre d’erreurs.
Si l’on connaît la modification génétique à l’origine d’une maladie rare héréditaire, un diagnostic peut être posé en quelques semaines, pour une fraction du coût du cheminement clinique actuel. En effet, les récentes découvertes génomiques ont permis de mettre en évidence le gène défectueux pour 5 500 maladies génétiques héréditaires sur un total d’environ 7 000 (selon les estimations). Un diagnostic génomique exact peut immédiatement éclairer les décisions au sujet du traitement d’un patient, tout en déterminant le risque que les futurs enfants de ce patient héritent de la même maladie.
La génomique est le moyen non seulement le plus efficace, mais aussi le plus économique, d’obtenir un diagnostic de maladie génétique, car les patients – et le système de santé – peuvent désormais éviter des années d’essais cliniques traditionnels. De plus, le recours à la science de la mise en œuvre permettra de déterminer si la prestation de soins de santé numériques (p. ex. soins virtuels/numériques, télémédecine et consultations électroniques) améliorera l’accès aux soins, la qualité des soins, l’équité du diagnostic, la prestation économique des soins et les résultats pour les patients et la société dans son ensemble.
Des traitements accessibles et abordables
Nous pouvons maintenant diagnostiquer les maladies rares héréditaires chez les enfants avec une justesse et un taux de réussite sans précédent. Cette avancée a été rendue possible en partie grâce aux programmes antérieurs de l’Institut de génétique des IRSC, menés conjointement avec Génome Canada, qui ont permis à la génomique de transformer notre capacité d’identifier les causes génétiques des maladies rares. Toutefois, nous sommes loin de pouvoir agir sur la base de cette information avec autant de facilité. En effet, comme nombre des gènes responsables de maladies héréditaires ont été découverts au cours des cinq dernières années, plus de 90 % des maladies héréditaires sont en attente d’un traitement.
Pour remédier à la situation, l’Institut de génétique s’appuiera sur des investissements antérieurs qui ont permis de mettre en relation les cliniciens travaillant à la découverte de gènes à l’origine de maladies héréditaires avec les scientifiques au Canada étudiant des gènes et des mécanismes équivalents dans des organismes modèles. Ce réseau comprend maintenant plus de 85 spécialistes de la génétique médicale et clinique et 623 scientifiques menant des expériences sur des organismes modèles. Cette démarche s’est avérée incroyablement fructueuse pour la découverte et l’analyse fonctionnelle des gènes, et elle a été adoptée par des bailleurs de fonds en Europe, au Royaume-Uni et en Australie. Ce réseau (désormais international) fournit des preuves concrètes que la variation d’un gène peut être à l’origine d’une maladie, permet de comprendre les mécanismes moléculaires de la maladie et propose un organisme modèle expérimental pour des études ultérieures.
Grâce à ce genre de modèle, les scientifiques n’ont pas à attendre pour se servir des nombreuses technologies omiques à la fine pointe de la recherche, allant de la transcriptomique (l’étude des ARN transcrits) à la métabolomique (l’étude des métabolites), en passant par la protéomique (l’étude des protéines). Ces modèles s’appliquent aussi à d’autres domaines de recherche en sciences fondamentales, comme l’étude de la structure et du fonctionnement des protéines. Ainsi, nous pouvons comprendre comment les mutations génétiques provoquent des maladies, préparant ainsi le terrain à la détermination de la meilleure façon de diagnostiquer, de traiter ou encore de prévenir les maladies. La recherche sur les maladies rares et héréditaires et le passage du diagnostic au traitement sont au premier plan de la transformation des soins de santé au Canada par la médecine de précision.
De nombreux traitements pour les maladies héréditaires, y compris ceux qui sauvent ou transforment des vies, peuvent être très abordables. En effet, une simple modification du régime alimentaire d’un nouveau-né peut suffire. Prenons par exemple la phénylcétonurie (PCU), maladie provoquée par des variants du gène responsable de la phénylalanine hydroxylase (PAH) qui entraîne une déficience intellectuelle, des crises épileptiques, des problèmes de comportement et des troubles mentaux. Si elle est diagnostiquée à la naissance, la PCU peut être prévenue par un régime pauvre en phénylalanine, un acide aminé. Un autre exemple est celui des enfants présentant des variants rares du gène responsable de la biotinidase (BTD) qui entraînent un défaut dans le métabolisme de la biotine (la vitamine H). Si cette anomalie n’est pas détectée, ces enfants souffriront de crises d’épilepsie et d’un retard de développement, et mourront très jeunes. Toutefois, la détection de l’anomalie à la naissance permet de prescrire un régime alimentaire riche en biotine grâce auquel ces enfants pourront grandir et mener une vie normale et saine.
Cela dit, les changements alimentaires ne suffisent pas pour certaines maladies génétiques, qui exigent plutôt la mise au point d’un médicament ou d’une thérapie génique. Ces médicaments, souvent appelés médicaments orphelins, sont très coûteux : les patients peuvent devoir débourser 300 000 $ par médicament et par année, voire 2 millions de dollars pour une thérapie génique à dose unique. Ces coûts sont insoutenables à long terme pour le système de santé canadien financé par l’État. De plus, pour nombre des maladies les plus rares, le paradigme actuel de mise au point des traitements n’est pas rentable, le nombre de patients n’étant pas suffisamment important pour justifier un investissement.
« Dans près de 1 cas sur 5 de mort cardiaque soudaine inexpliquée, la personne décédée avait un gène suspect dont la détection précoce souvent aurait permis de lui sauver la vie. »
L’Institut de génétique s’efforcera d’être le pionnier d’un modèle de science ouverte pour faire passer les médicaments en clinique principalement par le truchement des universités et des hôpitaux de recherche. Comme les essais cliniques pivots pour la plupart des maladies rares sont des essais combinés de phase 1 et 2 sur 10 à 12 patients, après lesquels l’approbation du médicament peut être accordée, ces essais pourront être réalisés dans un hôpital de recherche. Puisque ces médicaments seront créés principalement dans un cadre universitaire en utilisant la science ouverte, i) le coût total de leur mise au point sera réduit et sera connu, et ii) le prix des médicaments restera bas puisque tout le travail sera effectué par le secteur sans but lucratif.
Des méthodes faisant appel aux petites molécules (médicaments), aux cellules souches et à la thérapie génique – VAA, ARNm, CRISPR – seront utilisées en collaboration avec des partenaires du secteur sans but lucratif et des organismes du gouvernement du Canada, dont le Conseil national de recherches du Canada pour la mise au point de thérapies géniques et Santé Canada pour la mise en œuvre de lois habilitantes sur les produits de santé et les essais cliniques novateurs.
L’Institut de génétique des IRSC s’engage à élaborer des solutions génomiques complètes pour le diagnostic des maladies héréditaires (rares) et à mettre au point des médicaments abordables pour le traitement de ces maladies, et ce, dans le but d’assurer un accès éthique, efficace, rentable et équitable aux traitements.
Améliorer le diagnostic et le traitement des maladies génétiques pour appuyer les priorités des IRSC
Cet engagement s’inscrit dans de nombreuses priorités des IRSC. Les efforts visant à soutenir la mise au point de traitements accessibles et abordables par l’établissement de modèles novateurs de science ouverte feront progresser l’excellence en recherche (priorité A). En outre, la réduction des obstacles réglementaires pour les traitements novateurs renforcera la recherche libre, ce qui facilitera la mise au point de traitements dans un cadre universitaire (priorité B). La production de données solides sur le fardeau des maladies rares pour les personnes vivant au Canada, quant à elle, améliorera la prise de décisions fondées sur des données probantes, ce qui optimisera la répartition des ressources (priorité E) et favorisera l’équité en santé et l’accès aux soins (priorité D). Ces deux priorités seront également soutenues par la création d’une solution de rechange au processus commercial traditionnel de mise au point de médicaments et de traitements, solution qui permettra de remédier aux iniquités par la création de traitements accessibles (priorité D) tout en renforçant le système de santé canadien (priorité E).
Un garçon de 5 semaines et jusque là bien portant a été admis à l’hôpital après des heures de pleurs et d’irritabilité atypiques. Le génome de l’enfant a été séquencé, et les résultats sont revenus quelques heures plus tard : l’enfant présentait une anomalie touchant un seul gène, nommé SLC19A3. Il s’agissait donc d’un dysfonctionnement du métabolisme de la thiamine, qui peut être traité par l’administration de thiamine et de biotine. Le traitement a été amorcé 37,5 heures après l’admission. Six heures plus tard, l’enfant était calme et s’alimentait, puis après encore 24 heures sans crises épileptiques, il a reçu son congé. À 7 mois, il est aujourd’hui en pleine forme.
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