Intégration de la dimension éthique au cycle des connaissances à la pratique
Cette section porte sur le cadre éthique du cycle des connaissances à la pratique. Ce cadre conceptuel permet d’illustrer la nature itérative des liens entre la création de connaissances et l’application des connaissances, ainsi que certaines questions éthiques liées aux différentes étapes du cycle. Ce cadre est basé sur les travaux de Graham et coll. publiés en 2006Footnote 1. Il donne une vue d’ensemble du cycle des connaissances scientifiques pertinentes pour les chercheurs financés par les IRSC et en présente les diverses étapes, de la collecte des données au maintien de l’utilisation des connaissances. Tout le contenu du cahier est basé sur ce cadre conceptuel et en constitue la réalisation concrète.
Définition des termes
Le cycle des connaissances à la pratique illustre le processus de création de connaissances et leur mise en application dans la pratique et dans le développement de politiques. Il s’agit d’un processus itératif, dynamique et complexe, qui touche à la fois la création et l’application des connaissances, les frontières entre les grandes phases de création et de mise en pratique et leurs étapes constituantes étant fluides et perméables. Les étapes de mise en pratique, qui peuvent s’effectuer consécutivement ou simultanément, peuvent être influencées par les étapes de création de connaissances ou se fonder sur ces dernières. La nature cyclique du processus et le rôle essentiel des boucles de rétroaction sont des concepts sous-jacents importants de ce modèle conceptuel. Bien que les connaissances puissent s’acquérir de manière empirique (c.-à-d. par la recherche), le cadre englobe d’autres formes de savoir, comme les connaissances issues du contexte et de l’expérience.
À l’intérieur du cycle des connaissances à la pratique, la création de connaissances, ou production de connaissances, comprend trois étapes : la recherche de connaissances (connaissances de première génération), la synthèse des connaissances (connaissances de deuxième génération) et la création d’outils ou de produits basés sur les connaissances (connaissances de troisième génération). Étant donné que les connaissances sont décantées ou épurées au fil des étapes du processus de création des connaissances, elles sont progressivement synthétisées et deviennent potentiellement plus utiles aux utilisateurs finaux.
L’application des connaissances est définie aux IRSC comme un processus dynamique et itératif qui englobe la synthèse, la dissémination, l’échange et l’application conforme à l’éthique des connaissances dans le but d’améliorer la santé, d’offrir de meilleurs produits et services de santé et de renforcer le système de santé. Cette définition a été adaptée par d’autres organismes, notamment Santé Canada, le National Center for the Dissemination of Disability Research des États-Unis et l’Organisation mondiale de la santé (OMS)Footnote 2.
Domaine critique en recherche, l’éthique a été définie de multiples façons. La plupart des approches sont fondées sur des oppositions perçues. Par exemple, tant les tenants d’une approche légaliste que ceux d’une approche religieuse mettraient en opposition le « bien » et le « mal », les premiers les définissant selon la loi, et les seconds selon les préceptes de leur religion.
En bioéthique et dans le cadre du processus d’évaluation de l’éthique de la recherche, on a généralement recours à une « approche basée sur les principes » pour énoncer des valeurs aussi universelles que possible, comme la bienfaisance, la non-malfaisance, l’autonomie et la justiceFootnote 3 aux États-Unis, ou les valeurs équivalentes au Canada : le respect des personnes, la préoccupation pour le bien-être, et la justiceFootnote 4.Cette approche est essentielle aux bioéthiciens et aux personnes qui évaluent et surveillent l’éthique de la recherche, surtout dans les cas où la recherche porte sur des sujets humains.
Le but de ce cahier est de favoriser une perspective éthique ne se basant pas nécessairement sur une approche particulière ni une formation en philosophie. L’application directe de la dyade bien/mal dans les activités d’application des connaissances n’aide pas à cerner les questions éthiques et l’approche basée sur des principes conduisant à la conformité. Une autre approche est donc nécessaire. Ainsi, dans ce cahier, nous privilégions une approche pragmatique de l’éthique axée principalement sur l’acquisition des habiletés nécessaires à l’analyse critique des relations de pouvoir et du contexte. Cette approche intègre une réflexion critique sur les questions suivantes : qui a le pouvoir et la possibilité de s’exprimer dans une situation donnée, et qui est (volontairement ou non) réduit au silence? Qui en tire profit et qui y perd au change? Quelles sont les conséquences des actions, et dans quels contextes? D’autres aspects de l’éthique sont aussi importants : participation consensuelle à la recherche; usage responsable des ressources naturelles, humaines et financières; respect des participants humains et non humains; respect pour la société; responsabilité sociale de la recherche et des chercheurs; importance de la création de connaissances comme élément fondamental de la nature humaine.
Cette approche pragmatique de l’éthique repose simplement sur la prise en considération de l’ensemble des éléments d’une situation donnée et l’évaluation des conséquences possibles, plutôt que sur des idées reçues sur le bien et le mal. Autrement dit, elle vise l’acquisition d’habiletés pratiques permettant de cerner les questions éthiques et de prendre la décision la plus défendable sur le plan social.
En intégrant ces notions dans les processus qui composent le cycle des connaissances à la pratique et une approche pragmatique de l’éthique, on obtient le cadre éthique du cycle des connaissances à la pratique des IRSC, qui englobe l’ensemble du cycle des connaissances scientifiques.
Explications sur le cadre éthique du cycle des connaissances à la pratique des IRSC
La figure 1 illustre globalement ce cadre conceptuel, dont la première étape est la définition du problème. La figure qui présente les étapes de la création de connaissances (figure 2) porte par exemple sur la recherche de connaissances, la synthèse des connaissances et les outils ou produits dérivés de ces connaissances (Graham et coll., 2006). Cette phase du cycle de la recherche scientifique comprend les étapes d’établissement de partenariats, de recherche de financement, de recrutement de participants et de collecte de données. Quelques questions éthiques pouvant être soulevées au cours de ces étapes figurent dans le tableau qui accompagne chacune des figures. Par exemple, lors de la formulation des questions de recherche, les chercheurs doivent entre autres être conscients de l’influence possible des facteurs contextuels sur leurs choix et de l’incidence de ces choix sur les intervenants. Après l’analyse des données, la formulation de conclusions et la publication des résultats de recherche, on passe à la phase d’application des connaissances, qui peut nécessiter des travaux additionnels. Dans certains cas, il est possible de répéter la phase de création des connaissances avant de passer à la phase d’application des connaissances. Le cycle est itératif, ce qui signifie qu’il est possible de passer de la création à l’application des connaissances et vice-versa plusieurs fois pendant l’étude d’une même question.
La phase d’application des connaissances du cycle comprend par exemple la revue et la sélection des connaissances, leur adaptation au contexte et leur application (figure 3). Le savoir acquis au cours des étapes de surveillance et d’évaluation des connaissances favorise l’évolution de la recherche et l’application continue des connaissances.
Vous pouvez utiliser les trois figures ci-dessous pour déterminer l’étape du cycle de la recherche scientifique où en est rendu l’ensemble de vos travaux, cibler et étudier quelques questions éthiques relatives à cette étape du cycle, examiner les liens entre l’étape actuelle, les précédentes et les suivantes, et anticiper les problèmes éthiques à court et à long terme
Représentation visuelle du cadre éthique du cycle des connaissances à la pratique des IRSC
Les figures de la présente section constituent une représentation visuelle du cadre éthique du cycle des connaissances à la pratique. Il est important de mentionner que les exemples figurant dans les tableaux sont présentés à titre indicatif seulement et ne prétendent pas à l’exhaustivité.
Figure 1. Cadre éthique du cycle des connaissances à la pratique
Activité | Considérations éthiques | |
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Cerner le problème ou la possibilité de création de connaissances |
Définition du problème Exemples
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Figure 2. Phase de création de connaissances du cadre éthique du cycle des connaissances à la pratique
Activités de création de connaissances | Considérations éthiques | |
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1 | Établissement de partenariats | Inclusion Exemples
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2 | Formulation de la question de recherche | Éthique de la formulation de la question
Exemples
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3 | Conception du projet | Éthique de la méthodologie Exemples
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4 | Recherche de financement | Viabilité Exemples
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5 | Présentation au CER (au besoin) | Conformité aux règlements Exemples
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6 | Recrutement de participants (au besoin) | Éthique de la recherche Exemples
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7 | Collecte de données | |
8 | Collecte de données | |
9 | Formulation de conclusions | Analyse critique Exemples
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10 | Publication des résultats | Éthique de la dissémination Exemples
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11 | Préparation de l'application des résultats | Après la recherche
Exemples
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Figure 3. Phase d’application des connaissances du cadre éthique du cycle des connaissances à la pratique
Activités d’application des connaissances | Considérations éthiques | |
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1 | Revue et sélection des connaissances | Mise en contexte des connaissances Exemples
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2 | Adaptation des connaissances au contexte | |
3 | Évaluation des obstacles à l'utilisation | |
4 | Application des connaissances (intervention) | Utilisation des connaissances Exemples
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5 | Surveillance de l'utilisation des connaissances | Évaluation continue Exemples
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6 | Évaluation de l'application des connaissances (intervention) | |
7 | Maintien de l'utilisation des connaissances | Viabilité Exemples
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8a et 8b | Démarche visant la prochaine génération de chercheurs ou Poursuite de l’AC (application des connaissances) | À l’avenir Exemples
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