COVID-19
La recherche canadienne, une lueur d'espoir dans la lutte contre la COVID-19
On peut dire que 2020 aura pris tout le monde de court. En janvier, au milieu des résolutions et des souhaits pour la nouvelle année, la majorité des Canadiens et des Canadiennes n'auraient jamais envisagé la possibilité d'une pandémie mondiale tout juste quelques mois plus tard. Un tel bouleversement semblait relever de la fiction. Et pourtant, la pandémie est bien arrivée.
Depuis quelques mois, c'est comme si la vie avance au ralenti, alors même que les jours se lèvent et s'achèvent dans le temps de le dire. Des progrès ont certes été accomplis entretemps, mais il n'y a pas de solution facile. En effet, la pandémie de COVID-19, au Canada et ailleurs dans le monde, est un problème complexe. Il faut des contremesures médicales pour diagnostiquer, traiter et surveiller la maladie, mais également des contremesures sociales et stratégiques pour limiter la propagation et aider les gens à faire les bons choix. Il faut combattre la peur et la mésinformation, protéger les personnes vulnérables et déterminer les options les plus sûres pour le retour à l'école ou au travail. Pour ce faire, il faut les meilleures données possible, et rapidement.
La science saura indiquer la voie. Cela dit, même s'il est tentant de penser que la science a réponse à tout, ce n'est pas réaliste. En fait, il s'agit plutôt d'un processus d'analyse. Et malgré le chaos qui semble régner avec l'accumulation de nouvelles données et le bouleversement des hypothèses, la science est la clé pour surmonter les grands défis sociétaux, y compris cette pandémie.
La recherche en santé, en particulier, est essentielle. Cette branche de la recherche englobe tant les sciences biomédicales, qui commencent avec les cellules humaines, que les initiatives en santé publique, qui visent à garder des populations entières en santé et en sécurité. Elle permet de mieux diagnostiquer les maladies, de trouver des options de traitement efficaces et de renforcer l'ensemble du système de soins de santé.
La tâche est colossale, certes, mais le Canada compte des gens exceptionnels qui travaillent dans tous les domaines de la recherche en santé, et ils sont nombreux aujourd'hui à utiliser leur expertise pour déterminer, au milieu du chaos, ce qu'il convient de faire pour la suite.
Aplatir la courbe pour alléger la pression
En décembre 2019, lorsque l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a été alertée de plusieurs cas de pneumonie à Wuhan, en Chine, un aspect alarmant du rapport était que l'agent pathogène en cause ne correspondait à aucun virus connu. Des scientifiques ont rapidement séquencé le génome complet du SRAS-CoV-2, virus qu'on sait maintenant responsable de la COVID-19, mais il reste qu'il s'agissait d'un nouvel agent pathogène (du moins chez l'humain). Le problème dans de telles circonstances, c'est que personne n'est immunisé, ce qui facilite la propagation du virus, et qu'aucun traitement éprouvé n'est disponible dans l'immédiat pour guérir les personnes gravement malades.
Cela dit, même si le virus en soi est nouveau, l'étude des virus ne l'est pas. S'appuyant sur des décennies de recherche, des équipes du Canada et du monde entier mettent à profit la mine de connaissances que nous avons sur la façon dont les virus interagissent avec le corps humain pour créer des vaccins et des traitements contre la COVID-19.
Alors que ces équipes poursuivent ce travail soigné et laborieux, il ne faut pas oublier un autre aspect alarmant de la pandémie, soit la gravité potentielle de la maladie. L'infection au SRAS-CoV-2 se manifeste différemment d'une personne à l'autre : certains (souvent nommés porteurs asymptomatiques) n'ont absolument aucun symptôme, d'autres se sentent très mal en point, mais pourront guérir de la maladie à la maison, et une partie de la population doit être hospitalisée, possiblement aux soins intensifs et sous respirateur artificiel.
Cette variation met en évidence la nécessité de freiner la propagation du virus, d'où les appels désormais familiers à « aplatir la courbe ». Si ces appels poussent les gens à réduire leur risque personnel de contracter le virus, l'objectif est avant tout d'éviter la surcharge du système de soins de santé. Par exemple, n'oublions pas que même si seulement 7 % des cas de COVID-19 s'aggravaient au point de nécessiter des soins médicaux, notre système n'est ni conçu ni équipé pour la prise en charge simultanée de 7 % de toute la population canadienne. Ce serait une véritable catastrophe : on n'aurait d'autre choix que de rationner les soins aux patients atteints de la COVID-19, et le système perdrait une grande partie de sa capacité à répondre aux autres besoins médicaux, dont ceux liés aux crises cardiaques, aux accidents de la route ou aux maladies chroniques. Par ailleurs, il faut garder en tête le stress, le traumatisme et l'épuisement professionnel bien réels observés chez les fournisseurs de soins de santé, sans qui le système ne serait rien.
Voilà pourquoi le Dr Shaf Keshavjee, directeur du programme de transplantation pulmonaire de Toronto et chirurgien en chef au Réseau universitaire de santé, espère qu'un test diagnostique permettant de détecter les lésions pulmonaires aidera à offrir une certaine tranquillité d'esprit aux patients et à réduire la demande de ressources.
Le Dr Keshavjee et son équipe ont créé le test Rapid Acute Lung Injury Diagnostic (RALI-Dx) [test diagnostique rapide des lésions pulmonaires aiguës] dans le cadre de leur recherche sur les transplantations d'organes, qui visait à trouver un moyen de prédire si les poumons des donneurs resteraient sains après la transplantation. À partir d'un échantillon de sang, le RALI-Dx cherche des marqueurs du syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) à un stade précoce, syndrome qui justement s'accompagne du même type de lésions pulmonaires que cause la COVID-19 chez les patients gravement atteints. Grâce à un nouveau financement fédéral, le Dr Keshavjee réorientera ses travaux vers une utilisation du test dans les services d'urgence afin de prédire quels patients risquent davantage de devenir gravement malades.
« Nous ne cherchons pas à dépister le virus, explique le chercheur. Nous étudions la réaction du patient infecté. »
Bien que le dépistage de la COVID-19 demeure une mesure de santé publique essentielle pour isoler les personnes infectées, le RALI-Dx pourrait servir d'outil de triage indispensable pour aider le personnel des services d'urgence à déterminer quels patients doivent être admis et quels patients doivent plutôt être surveillés à la maison. Le test est actuellement utilisé dans les hôpitaux du Réseau universitaire de santé afin d'établir son degré d'efficacité pour prédire les issues cliniques des patients atteints de la COVID-19, mais le Dr Keshavjee croit qu'un usage généralisé offrirait des retombées potentielles considérables au système de soins de santé. Le fait de savoir quels patients risquent davantage d'être en difficulté à cause du virus rend possible une utilisation efficace des ressources, ce qui aidera à éviter la surcharge du système. En fait, ce test pourrait même s'avérer utile dans les salles d'urgence pour les maladies respiratoires virales à l'avenir.
« L'avantage de ce test, c'est qu'il s'applique à tous les virus, remarque le chercheur. On peut l'utiliser dans les services d'urgence durant la saison de la grippe ou durant les éclosions de toute maladie de type grippal. Et si le patient ne présente pas une forte réaction inflammatoire, il sera évalué au triage en conséquence puisque nous saurons qu'il peut récupérer à la maison sans danger. »
Suivre l'évolution du virus pour en tracer la propagation
En plus d'évaluer les moyens d'améliorer le triage et le traitement des patients, les chercheurs canadiens étudient la propagation du SRAS-CoV-2. Si la distanciation physique et d'autres mesures de santé publique sont en place, c'est que le virus peut se transmettre par les gouttelettes qu'expulse une personne infectée lorsqu'elle tousse, éternue ou parle. Les autorités de santé publique doivent cependant garder une vue d'ensemble des populations entières afin d'élaborer des plans d'intervention adéquats.
Professeure clinicienne adjointe à l'Université de la Colombie-Britannique et cheffe du programme de microbiologie environnementale au laboratoire de santé publique du Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique, la Dre Natalie Prystajecky veut utiliser les dernières technologies de génomique pour offrir cette vue d'ensemble.
Domaine assez récent, la génomique vise l'analyse de la structure et des fonctions de l'ensemble des gènes d'un organisme. Même si le code génétique complet du SRAS-CoV-2 a été séquencé en janvier 2020, les besoins en recherche génomique ne s'arrêtent pas là. Poursuivant le travail qu'elle et ses collègues ont entrepris au début février, la Dre Prystajecky travaille maintenant sur un nouveau projet visant à suivre et à cartographier les variations génomiques du SRAS-CoV-2 alors qu'il se transmet d'une personne à une autre.
Ces variations font partie du cycle de vie naturel d'un virus. Ce dernier doit se répliquer des millions de fois pour infecter de nouvelles cellules, et il arrive que le mécanisme de réplication fasse des erreurs. Quand ces erreurs engendrent une variation dans la séquence génomique, il y a mutation. Ce résultat peut sembler inquiétant, mais chacune des variations se rapproche davantage à une faute de frappe qu'à un coup de théâtre. Et elles sont utiles aux chercheurs, qui s'en servent pour cartographier tout changement aux séquences génétiques connues, ce qui permet le suivi des voies de transmission.
« En étudiant de petites grappes de cas, on peut voir comment la maladie a été transmise », explique la Dre Prystajecky, qui précise que cette information permet d'orienter les interventions en santé publique puisqu'elle aide à déterminer où l'infection s'est introduite. « La méthodologie ressemble à celle que nous avons utilisée pour suivre les éclosions de salmonelle, alors nous nous inspirons de ce type d'expérience. »
Recueillir des données pour démêler les politiques
Pour plusieurs d'entre nous, le concept de contremesures médicales contre un virus est assez tangible, même si les images qui nous viennent à l'esprit sont davantage inspirées de films que de vrais laboratoires. Les contremesures sociales et stratégiques semblent, en revanche, beaucoup plus abstraites, mais elles peuvent avoir des conséquences bien réelles pour chacun d'entre nous. Les récentes politiques entourant le confinement, les restrictions de voyage et la fermeture des frontières en sont la preuve.
C'est une chose d'adopter ces mesures, mais c'en est une autre de savoir si elles fonctionnent, comment elles pourraient être améliorées et quand elles peuvent être retirées. Pour obtenir les réponses, comme pour beaucoup d'autres questions relatives à la pandémie, il faut regarder les données.
« Devrait-on fermer une frontière? Pour combien de temps? Est-il efficace de mesurer la température des gens? Sinon, comment peut-on détecter les personnes malades dans les aéroports? Quelles mesures intérieures doivent être combinées aux mesures aux frontières? », demande la Dre Kelley Lee, professeure à la Faculté des sciences de la santé de l'Université Simon-Fraser et titulaire de la chaire de recherche du Canada en gouvernance de la santé dans le monde. « Il s'agit de questions très complexes qui nécessitent une analyse poussée des données en temps réel alors que les décideurs établissent les prochaines étapes. »
La Dre Lee cherche à combler ces besoins en données. Les crises passées nous ont déjà appris que la coordination entre les régions et les pays est essentielle pour la détection, la maîtrise et l'atténuation efficaces des éclosions, mais il s'agit là d'un défi complexe qui exige l'intervention de plusieurs niveaux de gouvernance et un accès rapide à des renseignements justes. La Dre Lee et son équipe recueillent donc des renseignements sur les mesures transfrontalières actuellement en place dans le monde (interdictions de voyage ou d'importation, quarantaine obligatoire, pratiques de dépistage, etc.) ainsi que les dernières données sur leur efficacité. L'équipe espère ainsi créer un outil d'analyse de données qui permettra aux autorités de santé publique et aux dirigeants politiques de prendre des décisions fondées sur des données probantes quant aux mesures transfrontalières. De plus, en améliorant l'utilisation de ces mesures, l'équipe vise à bonifier la coordination des interventions de différents pays face à la COVID-19.
« Bref, nous voulons nous assurer que les décisions concernant les mesures transfrontalières – leur nature et le moment de leur mise en place et de leur retrait – sont prises pour les bonnes raisons, explique la Dre Lee. La coordination est le fondement d'une action collective efficace. »
Affronter la marée d'information
Pour la plupart d'entre nous, vivre une pandémie est une expérience complètement déroutante. Il faut maintenant prendre des précautions même pour les activités les plus banales, comme faire de l'exercice, prendre soin d'un proche ou tout simplement aller à l'épicerie, et il n'est pas toujours évident de savoir comment protéger non seulement notre santé, mais aussi celle des autres. Naturellement, nombreux sont ceux qui se tournent vers les médias sociaux et d'autres sites Web pour trouver du réconfort et de l'information. Ces pratiques courantes étaient bien établies dans nos vies avant la pandémie, mais ceux qui cherchent de l'information aujourd'hui trouveront probablement bien plus que ce qu'ils avaient demandé.
« Il y a une quantité astronomique de mésinformation sur le coronavirus en ce moment; c'est du jamais vu », affirme le Pr Tim Caulfield, directeur de la recherche à l'Institut du droit de la santé de l'Université de l'Alberta, qui étudie depuis des décennies la propagation et les effets de la mésinformation en santé.
Selon le Pr Caulfield, la mésinformation est un phénomène social incroyablement complexe. La nouveauté du SRAS-CoV-2 et les énormes perturbations sociétales provoquées par la pandémie ont créé un terreau fertile pour la mésinformation sous diverses formes, allant des théories du complot sur l'origine du virus aux conseils potentiellement dangereux (et même mortels) sur les mesures de prévention et les « remèdes ». Outre la promotion de produits ou d'activités sans fondement pour combattre l'infection, la mésinformation peut rapidement devenir une véritable propagande, qui a souvent le potentiel d'amplifier le racisme, de provoquer la méfiance envers les experts ou de miner les meilleures stratégies de santé publique.
Le Pr Caulfield dirige un nouveau projet pour combattre l'avalanche de messages trompeurs et dangereux à propos du SRAS-CoV-2 et de la COVID-19. Pour avoir une idée de la situation actuelle, son équipe parcourt les plateformes de médias sociaux, les médias traditionnels et les données des moteurs de recherche pour comprendre comment les gens cherchent de l'information et ce qu'ils trouvent. Les chercheurs documentent la nature, la portée et les sources de la mésinformation entourant la pandémie, mais ils étudient aussi le comportement humain (c'est-à-dire la réponse des gens à la mésinformation) pour déterminer quel type de message retient l'attention et pourquoi.
Dans la deuxième phase du projet, l'équipe combinera ces conclusions pour créer un plan fondé sur des données probantes et définir les manières dont les gouvernements, les entreprises, les médias et le grand public peuvent affronter la marée de mésinformation, qu'elle porte sur la pandémie de COVID-19 ou sur un évènement futur.
Il peut toutefois être frustrant et compliqué de déjouer la mésinformation, d'abord parce que nous sommes nombreux à penser qu'elle ne nous atteindra pas. Mais détrompons-nous : la mésinformation devient de plus en plus dangereuse pour les gens et des communautés entières si on n'intervient pas, et nous avons tous un rôle à jouer pour y mettre fin. C'est ici que les contremesures sociales fondées sur les données probantes entrent en jeu, avec l'aide de la recherche pour nous outiller dans la bataille contre la fausse science.
« Nous devons savoir quel type de mésinformation circule sur la COVID-19, pour ensuite trouver un moyen de la combattre efficacement, explique le Pr Caulfield. Nous avons besoin de la recherche pour savoir ce qui fonctionne réellement. Puis, nous pourrons utiliser ces outils. Mais j'espère que la crise amènera le grand public à reconnaître la valeur d'une science de qualité, et que nous apprendrons de la dangerosité des mauvaises informations et de la pseudoscience. »
Et quand on parle de science de qualité – qu'il s'agisse de renforcer le système de soins de santé, de trouver des contremesures médicales, de suivre l'évolution des retombées sociales de la pandémie ou de mettre au grand jour la mésinformation –, les chercheurs canadiens sont là pour nous.
Les projets présentés ici ont été choisis pour donner un aperçu des différentes manières dont la recherche en santé contribue à la réponse du Canada face à la pandémie de COVID-19. Pour en savoir plus sur la recherche à ce sujet menée partout au pays, consultez le profil de chaque projet.
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